J’ai peur.

Peur de décevoir tellement de gens autour de moi. Peur de m’être trompée. Peur de regretter. Peur de me lancer dans le vide.

Ça fait 20 ans que je suis à l’école. 20 ans que chaque année, je sais exactement ce que je vais faire de ma vie quand les vacances se terminent : m’asseoir dans une classe, apprendre, recracher sur une feuille de papier des connaissances, tout oublier. Et recommencer l’année suivante.

Mais récemment, je me suis tannée de ce cycle sans fin.

J’étais tannée d’être constamment angoissée par mes dates de remises de travaux et d’examens.

Comprenez-moi bien : j’ai quand même un baccalauréat et un trois quarts de maîtrise. Ce mode d’éducation a donc relativement bien fonctionné avec moi. En revanche, il faut que l’on aime ce dans quoi on étudie. Et ce n’était plus mon cas.

Et être aux études juste pour être aux études, ça ne m’intéressait plus.

Vous savez, le sentiment de ne pas être à sa place, de s’acharner contre quelque chose qui ne devrait pas être si difficile? Toujours porter en soi un sentiment d’angoisse et de mal-être, parce que ce qu’on fait de nos journées, ça nous rend malheureux? Stagner et ne pas s’épanouir? Vouloir constamment être ailleurs? Et bien c’est comme ça que je me sentais récemment.

Alors j’ai pris les grands moyens pour que ça change : j’ai décidé de mettre sur pause mes études.

Et oui. Ça peut sembler anodin comme décision. Pour certains, c’est une décision facile à prendre. Pour moi, c’était comme avouer que j’avais échoué.

Je suis la plus vieille parmi mes frères et sœurs. C’est moi le premier bébé de la famille. Je suis la grande sœur qui doit montrer l’exemple. C’est sensé être moi, l’enfant modèle, qui fait ses études sans rouspéter, qui se trouve un emploi payant et qui fonde une famille avant 30 ans.

Arrêter mes études, ça montre à mes parents que j’abandonne.

Que je ne suis pas vraiment la jeune femme parfaite qu’ils s’étaient toujours imaginée !

« Ma fille étudie à l’université, elle fait une maîtrise », ça s’insère bien dans une conversation avec ses collègues de travail et ses amis.

« Ma fille vient d’abandonner ses études pour s’expatrier sur la Côte-Nord avec pour seule compagnie les baleines et les flocons de neige », c’est un peu moins vendeur.

Et pourtant, c’est ça qui va se passer. J’ai décidé d’arrêter mes études.

Les mettre sur pause, si on veut. Parce que j’étais malheureuse. Ma santé mentale en prenait un sacré coup et je savais pertinemment que ce en quoi j’étudiais n’était pas un domaine pour moi. Je n’arrêtais pas de me dire qu’après, quand j’aurais fini, là, enfin, je serais heureuse.

Sauf que j’ai compris que ce n’est pas ça la vie. Il faut arrêter de toujours attendre que quelque chose se termine ou commence pour être heureux. Il faut, chaque jour, prendre des décisions qui nous font voir à quoi ressemble le bonheur.

Je le savais depuis le jour un que j’étudiais dans un domaine qui n’était pas fait pour moi.

Et pourtant, j’ai persévéré. Parce que je n’avais pas d’autres idées, pas d’autres options, pas d’autres plans de vie.

Quand les opportunités se présentent à nous, il faut les saisir. Alors quand cette offre d’emploi a pointé le bout de son nez, j’ai su au fond de moi qu’il fallait que j’essaie.

J’ai été engagée pour faire un emploi rempli de grosses responsabilités, mais un emploi qui me ressemble. Et qui m’inspire. Qui me remplit de joie quand j’y pense, et non d’angoisse.

La vie passe tellement vite. Et on nous parle de grosses maisons, de grosses voitures et de gros salaires.

Mais moi, je m’en fous du salaire que je vais faire et de la marque de voiture que je posséderai. Je veux juste être heureuse.

Et voir des baleines de temps en temps.
Image de couverture via Unsplash
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