J’ai 20 ans et je passe mes journées enfermée dans mon domicile. Je ne vois plus mes amis, je ne sors presque plus, je suis coupée du monde. Mes journées se répètent ; je me lève le matin, je mets un haut qui fait changement de mon pyjama habituel, je suis mes cours sur Zoom, j’écoute Netflix, je joue aux jeux vidéo et je regarde le temps s’écouler. Depuis huit mois, j’ai l’impression que ma vie est mise sur pause en attendant d’être reprise. On me dit sans cesse que ça va bien aller, qu’on va passer au travers, qu’on est tous dans le même bateau. Mon père, qui est en télétravail, passe sa journée à appeler des collègues de droite à gauche, tandis que ma belle-mère travaille dans un hôpital. Ils continuent indirectement à côtoyer leurs collègues. Je suis toute seule.

fille, seule, triste, sombreSource image : Unsplash

Je passe en moyenne entre dix et douze heures par jour devant mon écran. J’ai maintenant l’habitude de me réveiller le matin, voir l’instant du petit déjeuner la lumière du jour, retourner faire mes cours Zoom en synchrone et ne ressortir qu’une fois le soleil couché. J’ai sans cesse l’impression de revivre la même journée. Chaque soir, lorsque vient le temps de dormir, je ne ressens plus la fatigue. À force de passer mes journées devant un écran sans pouvoir dépenser mon énergie, je m’épuise physiquement et psychologiquement.

J’essaie de socialiser, d’écrire à mes amis sur les différents réseaux sociaux et en d’appeler d’autres lorsque j’ai du temps pour le faire, mais leur présence me manque. Malgré le fait que la technologie ait révolutionné notre vie sociale, je ne me suis jamais sentie aussi seule. J’ai la chance de m’être fait des amitiés incroyables avec les gens de mes cours par l’entremise de Facebook et de Zoom. Pour la majorité, je ne les ai jamais vus en personne. Je me sens impuissante. On m’impose de suivre mes cours à distance. Je n’ai jamais eu l’impression d’investir autant de temps à l’école tout en n'apprenant rien. Je me contente de remettre mes travaux en espérant obtenir des résultats décents.

Je passe à côté des dernières années de mon adolescence. À côté de tous ces souvenirs qui auraient pu être miens. Je ne pourrai jamais revivre ces premières années d’université. Vivre les initiations de mon programme. Me faire des amitiés qui vont durer le temps d’une vie. Virer les meilleurs brosses à la veille d’un cours, sortir dans les bars jusqu’aux petites heures du matin. Partir en roadtrip sur un coup de tête, voyager et profiter de la vie un maximum avant de devoir entrer sur le marché du travail.

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J’ai 20 ans et je passe les dernières années de ma jeunesse cloîtrée dans un sous-sol. Je crois à la Covid-19 et en la gravité de ses conséquences. Cependant, je suis d’avis que la santé psychologique des jeunes devrait être priorisée, car nous sommes les grands oubliés de la pandémie. Je n’ai plus de motivation pour l’école et je ne suis pas la seule. Mes cours Zoom sont déserts. Plus du tiers des étudiants sont manquants, la majorité des caméras sont fermées et les interactions sont très rares, voire inexistantes. J’ai besoin de sortir, sans nécessairement voir plusieurs personnes. Simplement aller au restaurant avec ma bulle familiale ou étudier dans un café pour faire différent de ma maison. J’ai besoin de faire du sport, d’aller au cinéma, de vivre un semblant de vie normale tout en respectant mes distanciations.

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