« Comment étais-tu habillée? » Voilà la première question que mon meilleur ami m’a posée quand je lui ai avoué que j’avais été victime d’une agression sexuelle, il y a de cela quelques années. J’ai été surprise et choquée quand ces mots sont sortis de sa bouche.

Ce soir-là, quand je suis revenue chez moi, j’ai commencé à me remettre en question. Cette agression est probablement une des épreuves les plus difficiles que j’ai eue à surmonter dans ma vie. Cet incident est-il survenu par ma faute? Parce que j’avais mis mon haut préféré? Celui dans lequel je me trouvais belle. Celui dans lequel j’étais en confiance. Celui qui, aujourd’hui, me fait revivre ce terrifiant moment de ma vie dès que je l’aperçois suspendu dans ma garde-robe.

Aujourd’hui, quand je pense à ce moment de doute causé par cette discussion je trouve cela absurde. Comment ai-je pu, même une seule seconde, penser que j’étais coupable et non victime? Que j’avais causé ma propre mort émotionnelle? Que je me suis moi-même volontairement infligée cette souffrance? C’est simplement insensé. Il y a, tout autour de nous, un brouillard si dense qu’il nous aveugle. Celui-ci déforme la nature des atrocités commises par les agresseurs. L’incompréhension sociétale permet à ceux-ci de s’en tirer, de mettre le blâme sur les victimes, sur les survivant.es. Cette brume voilant la réalité des agressions sexuelles protège ceux qui ont commis l’irréversible et non ceux et celles qui ont dû le subir. C’est ce qu’on appelle la culture du viol.

Il faut la dénoncer. Il faut agir. Il faut le crier sur tous les toits, le plus fort possible, le plus souvent possible. La culture du viol doit être démystifiée. Elle doit être comprise afin que nous puissions l’éliminer. À cause de la méconnaissance de ses fondements, les gens sont dans l’incapacité de comprendre qu’ils participent à son maintien. Des questions comme : « avais-tu bu? », « que portais-tu? », n’ont indéniablement pas leur place, mais elles sont encore trop souvent posées. Elles encouragent le développement de la culture du viol. Elles permettent à nos agresseurs de dire qu’ils n’ont rien fait de mal, que nous l’avions cherché. Mais quelle excuse absurde! Pouvez-vous bien me dire qui voudrait vivre ce genre d’atrocité? Personne, faites-moi confiance. La destruction engendrée par une agression est monumentale. Le sentiment de dégoût de soi-même est si intense que, par moment, à l’époque, j’aurais mieux aimé ne plus être là. J’aurais voulu partir, disparaitre, mourir. Tous ces sentiments sont multipliés par l’existence de la culture du viol, par la méconnaissance sociale de celle-ci.

fille triste qui pense

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À cause de cela, la guérison des survivantes en est ralentie, et même parfois impossible. Certaines réussissent à se relever, péniblement, à se réanimer, grâce à leur force surhumaine, mais d’autres n’ont pas cette chance. De ce fait, selon une étude du psychologue Dean G. Kilpatrick, les victimes d’agression sexuelle sont treize fois plus enclines à commettre une tentative de suicide que les femmes n’en ayant pas vécue. Treize fois. TREIZE FOIS. Tout cela parce que la population, en général, se permet de juger les victimes selon ce qu’elles portaient, ce qu’elles ont dit, où elles étaient et j’en passe. C’est simplement ridicule! Mais dans quel univers est-ce normal de blâmer une victime? De la rabaisser? De lui donner envie de mettre fin à ses jours au lieu de la soutenir?

Je ne pense même pas qu’il soit possible de comprendre la souffrance profonde qu’une victime peut ressentir suite à une agression. C’est cette douleur aiguë, qui ne disparait jamais, elle est toujours là, enfouie sous les thérapies. Sous les : « ce n’est pas ta faute », aussi rares soient-ils. Sous les : « moi, je ne te ferai jamais de mal », trop souvent dit par des hommes qui ne comprennent aucunement les limites et qui finissent, malheureusement, par les dépasser. Tant que l’incompréhension, l’ignorance et l’indifférence face à cette culture seront généralisées, il sera impossible de réduire le nombre d’agressions, car les agresseurs s’en sortent trop facilement pour avoir une raison valable de s’arrêter.

Il faut, en tant que société, d’abord accepter qu’il y a une incompréhension face à la culture du viol. Ensuite, il faut déconstruire cette méconnaissance, afin que les victimes ne soient plus blâmées et que ce carnage s’arrête une bonne fois pour toutes.

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