L’âme soeur, je l’ai rencontrée souvent. Dans l’autobus. Sur l’heure de pointe dans le métro. Entre deux allées d’une bibliothèque. En attendant ma « best » en face d’un dépanneur dans Rosemont, avant d’aller me perdre dans une foule du parc Maisonneuve, c’était la St-Jean. C’est pas que je tripe nationalisme ou fleur de lys, même si dans mes cheveux je portais la couronne qu’il m’avait faite entre deux « poffes » de Du Maurier King size. Le dude qui me faisait rêver fêtait ça la St-Jean, fait que cet été-là, je l’ai fêté avec lui, ben collée sur son « chest ».

Être en amour ça change pas le monde, sauf qu’une fois prise dans l’hiver d’une hibernation qui t’isole des terrasses en fête, des regards de cupidon, des longues soirées au soleil qui tarde à rejoindre Morphée, être en amour, ça change pas le monde, non, sauf que ça te réchauffe ton petit coeur qui a besoin de battre souvent. Pis deux corps emmitouflés, c’est la meilleure douillette que t’auras payée à coût de « je t’aime ». Il s’appelait Léandre. Avec lui, c’est différent, un peu comme de la magie qui te jète un sort. Le regarder, c’est comme voyager sans payer de billet d’avion. Un chance, parce que mes poches sont vides, mais mon coeur, est plein de ses caresses tatouées par la couleur de ses sentiments.

Léandre vendait des sapins de Noël sur Manhattan, il parlait anglais même si sa mère était Belge et que son père venait du bas du fleuve. Léandre passait me chercher en moto, pis souvent le vent dansait dans mes cheveux, jamais ça, beaucoup. Être avec lui, c’est la vie, c’est ma vie, celle que j’ai choisie.

Après les premiers mois qui te transportent sur l’île-de-je-ne-vois-que-lui-il-est-parfait-de-ce monde, la douce brise d’été du début se transforme en une sorte de boule d’anxiété qui te transperce la poitrine tels des électrochocs qui me relient à lui. « Et s’il me laissait? » surtout qu’on arrivait le début de l’automne. Mais ce genre de chose, ma best me disait de pas trop y penser. J’ai pas envie que l’histoire qui porte nos noms s’arrête ici dans un fossé enseveli par la peur de deux coeurs qui battent.

Avec le changement de couleur des feuilles dans les arbres, j’ai laissé tombé ma robe d’été, les journées étaient moins ensoleillées, mais y m’aimait pareil dans mon gros coton ouaté.

L’hiver qui se pointait le bout du nez, c’était la grosse saison pour lui. Après avoir troqué sa moto pour son camion 4 saisons, il me quittait pour un mois vendre ses sapins l’autre bord dans la ville de la grosse pomme, pendant que moi à la place, je faisais des tartes avec les Macintosh que j’avais cueillies avec lui dans le pommier où étaient gravées nos initiales.

J’ai sûrement dû trop écouter Amélie Poulin en boucle. Ça me faisait rêver, pis la musique de Tiersen était la mélodie qui m’aidait à passer à travers les semaines et son absence. Fallait qu’il fasse du money comme il disait, c’est pourquoi il faisait la route Montréal New-York et que souvent... Les draps du lit sans lui goûtaient plus pareil. Ça fait longtemps que Cendrillon est plus ma meilleure amie, mais faut croire que même si ma fête est bientôt et que 26 bougies font l’âge que j’ai, j’suis une romantique du coeur pis je slow le love avec lui.

Parce que j’suis tannée de croire au père Noël pis que de devenir une femme, une vraie, faut ben que ça commence à quelque part. Je l’attends mais je reste forte en dedans.

Aujourd’hui, c’est le réveillon pis il me manque beaucoup. Même si je suis en famille pis que tout le monde me donne de l’amour, tout plein c’est le sien qui me manque. Il finit demain. J’ai hâte qu’il revienne.

C’est ma première année en appartement, j’ai décoré mon salon, j’ai mis des lumières qui illuminent le dedans de ma maison, dans l’hiver qui te gèle le désir d’aimer, mais pas le mien. Lui pis moi c’est aussi solide que la glace qui a givré la fenêtre de ma chambre que j’essaie d’isoler avec des couverture aussi chaudes que ses mains qui me réchauffent le bout des pieds.

Parce qu’il arrive demain et que ça fait 29 jours et 33 minutes que je l’ai pas vu, je dors pas. Moi qui voulait mon « beauty sleep » pour qu’il me trouve la plus belle du monde oublie ça, dormir, j’y arrive pas. Ce matin, tout est normal, je mange mes céréales.

C’est alors que j’entends l’ambulance qui passe devant ma maison, la sonate de la mélodie de la sirène s’est rendue sur le lieu où il ne s’est jamais réveillé.

Même si on vit plus dans la même vie je resterai toujours reliée à ses battements du coeur, c’est sans doute ça, l’âme soeur.

Source image principale : Unsplash

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