Aujourd’hui, c’est la rentrée des classes. Moi pis ma best Béa, on s’y prépare depuis déjà trois semaines. On attaque ça ensemble, à deux on est plus fortes! La rentrée, c’est pas le genre de truc que tu laisses à la légère. Faire une bonne impression, la première journée de classe, c’est la base. La base d’une session scolaire réussie, ou pas…

Ça fait depuis la fin des classes que j’attends ce moment. Le moment où j’allais revoir P-H-I-L-I-P-P-E. Le gars qui me chatouille le coeur chaque fois qu’on nomme son nom. Lui pis moi, c’est du compliqué. La dernière fois qu’on s’est vus, c’était entre deux allées d’épicerie, j’étais « tipsy », lui, pas. J’avais le ventre qui gargouillait de l’intérieur. Le genre de sensation qui te fait dire des mots que t’emploies pas souvent, qui te glissent sur le bout de la langue, pis qui t’éclaboussent en plein visage. J’étais « tipsy » j’vous dis. Ce n’est pas dans mes habitudes, je ne bois pas dans la vie, c’est la faute à ma best. Elle venait de gagner à la loto. Elle venait d’apprendre qu’elle était acceptée dans un stage de musique en Italie. Sa voix qui te donne le frisson même un jour de canicule, s’en va conquérir l’Europe. Le rêve! Une chance, il nous restait encore une session ensemble, fallait qu’elle soit mémorable!

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Ce matin-là, j’arrive la première au métro. Elle, elle est toujours en retard. Faut pas la blâmer, c’est le genre qui fait un roupillon pendant une heure pis qui se maquille et mange ses toasts dans le métro. À chacun ses matins. Moi, de mon côté, j’ai tout préparé. Mon linge, mon lunch, mes trois collations, mon maquillage, surtout mon maquillage. Je m’induis d’une petite huile de coco ben subtile dans le cou, question qu’il perde déjà la tête quand le moment où on va se faire la bise va arriver. Fallait que cette fois-ci, Philippe me trouve la plus merveilleuse du monde.

J’étais nerveuse. Nerveuse de revoir les copains, nerveuse de connaître mes professeurs, mais surtout nerveuse de prouver à Philippe, que j’étais une belle personne, et que malgré mon égo que j’ai tué dans le tapis la dernière fois qu’on s’est vus cet été, je suis une femme digne et pure, qui était juste ben stressée en sa présence. Parce que oui, je suis ce genre là, je suis ben émotive, un peu trop compliquée, pis quand un gars m’intéresse, ben je deviens froide, distante, même méchante. La dernière fois qu’on s’est vus dans l’allée d’épicerie, je l’ai traité de toutes sortes de noms pas dignes d’être prononcés. Il me considère jusqu’à ce jour comme sa pire ennemie. Ça va pas ben, moi qui tripe dessus. Si ce matin, je fais pas la meilleure des impressions, l’année sera longue et pénible.

Béa finit par arriver. Au même moment, y’a comme une bulle de protection qui se forme autour de nous. Quand elle est là, plus rien ne peut nous arriver. Le vent dans nos cheveux, on vole droit vers l’U-N-I-V-E-S-I-T-É. Je nous sens fortes et chicks, c’est aujourd’hui que ça se passe. Au premier tournant, je le vois. Lui pis son regard de feu, bleu vif. Sa barbe brune qui lui donne des allures de bûcheron du mile-end. Il est encore plus beau qu’avant. H-E-L-P.

Ce matin-là, j’avais misé sur le pantalon blanc, c’est ben tendance ces jours-ci.

Au tournant, je le vois qui me regarde avec le plus grand des sourires. God, je lui fais effet, ça doit être ma petite huile de coco. Je lui fais la bise, nos corps se frôlent, le frisson m’envahit même si dans mon coeur c’est Hawaï sous les tropiques. J’ai chaud! Mon coeur qui bât à mille à l’heure. C’est le nirvana qui crie en moi. Si ce moment pouvait figer en photo de passeport vers une destination de son choix. Juste lui pis moi.

Béa me tire du coude, je redescends sur terre. J’aperçois lui pis sa gang de gars qui me regardent pas nécessairement de la façon que tu veux être regardée. Ils fixent droit sur  mon pantalon. Je regarde… Et l’horreur apparaît, menstruation quand tu me tiens. Le cauchemar éveillé. Mes menstruations se sont déclenchées au pire moment de mon existence, et Philippe me regardait enfin, mais pas pour les bonnes raisons. Je cours aux toilettes, Béa me suit. Entre amies, on se soutient.

C’est ici qu’on fait le pacte de la session. Pas un gars, ni personne, va gâcher notre dernière session universitaire ensemble, ça, c’est du non négociable.

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