Avec la paralysie actuelle et le retrait préventif de dizaines de milliers de Québécois du marché du travail, c’est l’ensemble de notre univers qui est chamboulé. La réalité frappe froidement et simplement. Mises à pied, chômage et frustrations sont au rendez-vous. Avec l’instabilité engendrée, mais surtout avec le futur flou qui nous attend une fois la pandémie passée, nous nous retrouvons face au mur qu’est l’inconnu.

Le moment présent, c’est tout ce qu’il nous reste. Fini les projections du prochain voyage, le désir de la prochaine bébelle à acquérir ou bien le prochain projet à réaliser. En mode survie, nous allons devoir refréner notre consommation, focaliser sur autre chose. Nous sommes coincés dans l’ici et le maintenant, forcés à réapprendre à vivre l’instant présent comme l’ont fait nos ancêtres et toutes les générations avant nous. Certains voient cela comme une malédiction en raison des pertes économiques, du manque à gagner et de l’insécurité en découlant. Par contre, pour ceux qui réussissent à surmonter la barrière d’angoisse que représente cet arrêt imprévu du métro-boulot-dodo, du bon peut en ressortir.

Être coincé entre quatre murs avec soi-même, c’est plus que confrontant pour la majorité des gens. Tellement habitués à courir partout, à travailler en malade, à répondre aux milles et une exigences de la vie moderne, on se retrouve en un claquement de doigt sur pause. Comme si le film de la vie qui nous semblait avancer sur le mode fast forward figeait.

personne qui tient sa main devant elleSource image: Unsplash

Je crois en bien des choses dans la vie, mais une de mes plus profondes convictions, c'est que tout a un sens, que tout est imbriqué et que rien n’arrive jamais pour rien. En tant que société de surconsommation, que travailleurs épuisés et qu’humanité essoufflée, sans parler de la biodiversité qui se meurt, le monde avait besoin de s’arrêter pour reprendre ses esprits. Les marchés boursiers qui dégringolent prendront peut-être conscience que la productivité à tout prix basée sur un modèle économique de croissance infinie a ses limites. Les parents, couples, familles, travailleurs et tous ceux touchés réaliseront, qui sait, combien ils étaient au bout du rouleau, combien cela fait du bien de prendre du temps pour soi, vraiment du temps pour soi, sans nulle part où devoir arriver pour telle ou telle heure.

En un sens, c’est une chance que la vie nous donne. Cette réflexion collective, cette méditation contemplative de nos vies, mais surtout de nos modes de vie, est une bénédiction, en quelque sorte, pour ceux qui s’ouvrent plus largement à la situation. C’est comme si l’univers nous envoyait un message d’alerte, un ultime S.O.S. avant que l’on se rende à un point de non-retour. Actuellement, des écosystèmes foisonnent, la pollution diminue, des familles se rallient et le mot « solidarité » reprend son sens. Nous nous rendons compte que tout n’est pas perdu, que la nature peut reprendre son cours si nous ralentissons le rythme, que notre tissu social peut se retisser malgré l’individualisme grimpant, que nos mentalités peuvent changer malgré l’endoctrinement capitaliste qui nous est enfoncé dans le crâne depuis notre plus tendre enfance.

Jamais je n’ai vu autant de gens marcher, de familles jouer et bricoler, de passants me souriant et de collègues s’ouvrir aussi franchement quant à leurs inquiétudes actuelles. C’est comme si la crise qui se trouve à être sanitaire, et financière indirectement, se trouvait à être un remède social. L’ego prend de moins en moins de place, dégonflé par les déboires de Wallstreet et par le fait que nous sommes tous affligés, d’une manière ou d’une autre, par la pandémie. Tous égaux devant la mort, tous égaux devant les coupures, tous égaux devant la peur. Prenant conscience de notre vulnérabilité, nous retrouvons, jour après jour, notre humanité.

mains sur un arbreSource image: Unsplash

Obligés de voguer de minutes en minutes au gré de l’avancement du virus, nous nous retrouvons à puiser en nous-mêmes pour rationaliser la situation, pour se rassurer et pour se retrouver. Sans la course hebdomadaire, qui sommes-nous? Que reste-t-il, une fois la cravate enlevée, les bottines qui restent sur le perron, face à face en pyjama avec notre seule présence? Profitons de ce moment historique, négatif et positif, pour tirer plus de bon que de mauvais du temps qui nous est donné. Au lieu de voir le temps que l’on perd, réalisons le temps précieux qui nous est accordé pour faire le point, pour se ressourcer, à tous les niveaux. Sur le plan individuel, conjugal, familial, collectif et humaniste, les répercussions de ce tournant mondial seront inscrites dans les cahiers d’histoire des étudiants de demain. Une page d’histoire s’écrit présentement, sera-t-elle celle de la déchéance de l’humanité poussée dans l’abîme par le coronavirus, ou bien celle de changements de fond ayant permis une revitalisation de la vie sur Terre?

À nous de voir!

Source image de couverture: Unsplash
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