Par un bruit, une odeur, une vision, le souvenir revient. Lourd et gorgé de noirceurs, il t’emplit d’une peur viscérale, insidieuse. Peu importe combien d’années te séparent de l’évènement (car c’est comme ça que tu préfères l’appeler), la douleur reste la même ; aussi franche et dénuée de sens.

Les moments qui suivent sont étranges. Tu sursautes, transpires. Tu fuis des yeux les gens que tu croises, de peur qu’ils ne voient ta mémoire jouer en boucle cette histoire atroce dans le creux de ton iris, comme un vieux film que l’on rembobine sans cesse.

Et elle te suit.

Quelque part accrochée à ta semelle de chaussure ou greffée à ton échine, elle te suit. Cette ombre vicieuse que tu as tenté de chasser par tous les moyens, mais qui reste collée à toi, coûte que coûte. Elle t’appartient et tu lui appartiens.

Le passé se fait un drôle de plaisir à voler des bouts de ton présent, et tu ne vois pas le jour où tu pourras l’en empêcher. À mesure que les semaines passent, tu te mets une pression exacerbante à essayer de passer à autre chose, à essayer d’oublier.

Mais le cerveau n’oublie que très rarement des choses comme celles-ci.

Elles restent et créent ces fissures au milieu de ta tête qui t’empêchent de bien fonctionner. Les mêmes qui te forcent à rester à la maison alors que tu avais prévu une soirée entre copines ou qui te refusent le droit de te détendre au cinéma parce qu’une idée a vivement traversé ton esprit et que le moment est gâché pour toujours.

C’est comme si l’on t’avait accroché à une corde, mais juste assez bas pour laisser tes orteils toucher le sol. Tu finis par t’écorcher le bout des pieds à force d’essayer de survivre et de te battre pour continuer à respirer.

Et pendant que tu fixes le vide, tu te rends compte que ta vie va se résumer à ça si tu laisses tes démons avoir le dessus sur toi. Te battre avec la gravité pour ne pas suffoquer. 

Mais sache que le temps n’est pas ton ennemi dans cette course au bien-être. Le temps te donnera la force de guérir et de panser tes plaies, une petite journée à la fois. Tu forgeras une armure inébranlable et les ombres qui te suivent peineront à traverser ton esprit. Un jour, tu verras.

Les souvenirs érafleront toujours un peu ton coeur, mais tes blessures guériront plus vite. Tu sauras, en regardant droit devant, que tu n’appartiens plus, du moins, pas toute entière, à ce passé qui t’effraie tant. Tu trouveras quelque part la force de ne plus trembler lorsque les images reviendront et la résilience qui te permettra de lâcher prise.

Car c’est l’ardeur avec laquelle on s’efforce de continuer qui définit qui nous sommes, pas ces choses qui tentent de nous arrêter.

Source image de couverture : Unsplash
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