Je travaille de 8h à 16h dans une bonne et belle job, je suis capable de gérer plusieurs dossiers à la fois et je suis bien familière avec le temps supplémentaire. Je fais du sport, j’essaie de manger bien le plus souvent, je fais même de la méditation et j’aspire à des conditions de vie qui frôlent l’exemple concret d’un mode de vie sain et équilibré. Je visite mon grand-père régulièrement, j’écris sur ce blogue et j’avais même trouvé le moyen de faire du bénévolat il n’y a pas si longtemps. Je rends régulièrement visite à mes parents et je tente de me réunir le plus possible avec mes merveilleux amis. Je m’intéresse à des tas de sujets variés que ce soit la littérature, la philosophie et les arts et je désire m’en instruire toujours davantage.

J’habite un condo judicieusement décoré à mes goûts dans un quartier convoité de ma ville. Je peux me permettre de vivre une vie confortable et m’octroyer plusieurs petits plaisirs. J’ai même le meilleur félin du monde qui est aussi l’être merveilleux qui partage ma vie. Je vais même voir religieusement un psychologue à chaque semaine (même quand ça va bien!) pour devenir une version plus zen de moi. Tout pour être heureuse, n’est-ce pas? Pourquoi alors je ne l’étais pas? Pourquoi? Veux-tu bien me dire pourquoi, malgré toutes ces choses qui pouvaient me faire sourire, je me sentais profondément malheureuse?

Je n’ai pas eu réponse à cette question tout de suite. Je me sentais même coupable de me sentir autant mal dans ma peau. J’avais l’impression de me plaindre le ventre plein. Peu à peu, des réponses s’éclaircissaient et s’éclaircissent encore à ce jour. Mon arrêt forcé, qui m’a fait rager à prime abord, qui m’a surtout déstabilisée, m’a fait réaliser des prises de conscience qui se sont avérées nécessaires, voire vitales. Je remercie la vie d’avoir fait de ce que j’imaginais être un désastre être ce que j’appelle maintenant, même si c’est récent, l’un des plus cadeaux de ma vie.

adulte anxieux source image : Pexels 

Ça faisait 2-3 mois peut-être même plus (lire assurément) que j’ignorais mes signaux d’alarme psychologique. Je me sentais fatiguée, certes, mais je me disais qu’en m’armant de pensées positives, d’une petite tape dans le dos (pour ne pas dire un gros coup de pied dans le cul, oui, j’étais rendue là dans mon degré d’indulgence envers moi), ça irait mieux. Par contre, je me dirigeais toujours plus vers le bas, un peu plus vers le fond. Des phases plus creuses, ça arrive et je suis capable de les remonter à chaque coup. Cordonnière mal chaussée de la bonne intervenante sociale que je suis, je me suis rendu compte que les conseils de lâcher prise et de prendre du temps pour soi, je les appliquais pas tant pour moi. Je ne m’y donnais pas vraiment le droit. Enfin, pas assez du moins.

Des heures de travail, ça ne m’a jamais fait peur. Je suis certaine que, même en ne faisant pas de temps supplémentaire, je pouvais me donner de façon à ce que mon temps régulier soit équivalent à un temps double tellement je me donnais dans mes tâches professionnelles autant que j’en donnais à mes idéaux personnels. J’en étais à ma dernière semaine avant ma semaine de vacances. Travailler dans un hôpital en temps de pandémie, ça a le mérite d’avoir des vacances bien méritées même si elles ne durent qu’une semaine. Cette semaine-là a été drainante plus qu’à l’habitude. Les vacances arrivaient juste. J’avais hâte d’avoir ma semaine de congé pour retrouver ce repos. Parce que j’avais encore la pensée magique qu’en une semaine, c’était suffisant pour me reposer. Frapper le mur, t’en feras pas exception ma belle! Tes signaux psychologiques, t’as bien beau les ignorer, mais ton corps, lui, il ne peut pas te mentir.

Ma semaine de vacances a eu des moments agréables, mais je dois dire qu’elle a eu beaucoup de moments désagréables. Je pensais que le dossier du fameux trouble anxieux qui pouvait se dérégler, c’était classé à jamais parce que les trucs, je les connais aussi bien que je me connais moi-même. L’impression d’être là sans y être, de fonctionner sur le pilote automatique, les pertes de mémoire, le coeur qui veut te sortir du corps, les pensées qui s’accélèrent, l’impression qu’un danger grave est imminent quand il n’y a absolument rien en réalité qui justifie le tout. Tous ces petits symptômes qui refaisaient surface ici et là jusqu’à maintenant se multipliaient et surtout, s’intensifiaient de façon à ce que je les subissais et ne les contrôlais plus.

Je suis allée voir mon médecin de famille grâce à un rendez-vous de dernière minute. Je lui ai expliqué ce qui se passait. Elle m’a proposé un arrêt de travail, ce que j’ai refusé. Ça allait changer quoi un arrêt ? Bien que le travail avait sa part de responsabilité, il n’en était pas le seul à inculper. Un arrêt, ça allait me servir à quoi ? À part me faire sentir coupable d’être prise entre quatre murs à rien faire ? À part laisser libre place à mes pensées d’appréhension du futur ou de rumination du passé ? J’étais encore capable. Je n’allais pas fuir mon quotidien en m’isolant. Ce que je n’avais pas identifié à ce moment-là, c’est que la fuite que je faisais c’était celle de l’arrêt et que c’est ça qui m’empêchait de vivre. Je devais revoir mon médecin dans un mois, en fin de journée (évidement, parce que je ne voulais pas manquer de travail)! Sauf que je n’avais pas assez étiré l’élastique. J’étais donc fidèle au poste le lendemain matin.

adulte qui travaille en buvant un cafésource image : Pexels 

Des larmes incontrôlables qui coulaient sous mes joues que je mettais sur la faute d’un inconfort de verres de contact. Une visite aux toilettes pour reposer ces traits de commissures de lèvres qui se forçaient à sourire à mes collègues et à mes patients qui n’avaient pas à subir ce que j’essayais d’ignorer selon moi. Je me suis regardée dans le miroir des toilettes et je me suis demandé ce que j’attendais. Et pour la première fois depuis longtemps, j’ai décidé de me choisir.

J’ai rappelé mon médecin de famille. Je lui ai dit que j’acceptais l’arrêt. Je ne me doutais pas que j’étais pour dire à mon psychologue deux jours plus tard que je me sentais d’attaque pour reprendre le tout et que c’était pour le faire rire de façon ironique, mais bon c’était déjà au moins un petit pas dans la bonne direction.

Mon corps et ma tête se portent mieux de semaine en semaine, même de jour en jour. Je réalise peu à peu de belles prises de conscience. En effet, j’ai un besoin viscéral d’ÊTRE RECONNUE DANS LE REGARD DES AUTRES afin de me donner moi-même du crédit. Beaucoup de mes actions (jusqu’à même des pensées) sont préalablement analysées sous la loupe du regard accusateur que je porte sur moi-même qui me fait croire que si je déroge ne serait-ce qu’un peu de l’idéal que je conçois, ça ferait en sorte qu’on m’aime moins, voire même qu’on ne m’aime plus du tout, aussi insensé que ça puisse l’être.

Aussi, j’ai longtemps traîné un SENTIMENT DE CULPABILITÉ que je n’identifiais pas encore à ce jour (dire non à une demande, voir le besoin de repos grandissant comme un manque de motivation à proscrire, croire que de faire passer mes besoins avant ceux des autres était égoïste et non vertueux). Enfin, j’ai encore BEAUCOUP À APPRENDRE SUR MOI, et ce, même si détiens des capacités très développées d’introspection, d’analyse et de résilience. Des dossiers psychologiques paraissant classés sont encore à travailler puisque je n’en ai pas tiré le maximum d’apprentissages qui en résultaient et peut-être même que ces dossiers seront des défis à vie et que c’est bien correct comme ça.

De plus, j’ai toujours une PART DE POUVOIR sur ce qui m’arrive et je ne suis victime des événements que si je leur donne la force de me rendre victime. Finalement, je dois dire que TOUT ARRIVE POUR UNE RAISON et que même si une épreuve bouleversante et traumatisante m’arrive, elle est nécessaire pour continuer d’avancer de façon plus claire et solide. C’est le sens que je donne à cette remise en perspective de plusieurs aspects de ma vie qu’est la place qu’occupe le travail, la relation que j’entretiens avec moi en interaction avec celle que j’entretiens avec les autres, la tolérance, la performance, la santé, mes aspirations, etc.

Et si Wonder Woman s’autorisait peu à peu à changer sa perception du qualificatif «Wonder» ?

source image de couverture : Pexels 
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