Ces derniers temps, je ne me reconnaissais pas.

J’arrivais à l’appart avec une face de marde.

J’avais eu une mauvaise journée.

Mauvaise comme dans « Quand je pensais avoir atteint le plateau, ce n’était que le calme avant la tempête exponentielle de marde chaude qui allait me pleuvoir dessus ». 

Rire ou pleurer? Je n’avais même pas le temps d’y penser avant que ma journée monte sur le podium des pires que j’avais eues à surmonter. 

Je n'étais même pas surprise. J’avais eu une journée de marde, parce que ma vie, dans ce temps-là, c’était de la marde. J’avais une session trop remplie, des profs qui ne savaient pas expliquer, une patronne qui ne comprenait pas pis qui ne me donnait pas congé. J’étais trop impliquée. J’étais claquée. Je ne savais pas comment faire pour arriver. Serrée dans le temps, serrée dans l’argent. Quand je me couchais, je pleurais tout le temps. Quand je me levais, ce n’était pas long que j’étais déjà en sacrament.

Y’avait pu rien de stimulant, pas plus l’école que les amis, ni la famille, ni le ménage ou bin faire l’épicerie. Rien me tentait. Moi, la fille spontanée qui réagit de façon excessive tellement tout le temps. Celle qui rit trop fort, qui crie trop aiguë pis qui vit trop passionnément pour la plupart des gens. Celle qui accueille ses joies aussi intensément que ses peines, toujours attirée par les extrêmes. J’avais pu le goût. Pis je le remarquais. C’est ça qui me dérangeait. Je me voyais foutre ma vie à l’envers en garrochant tout par terre sans rien faire.

Pis je me demandais pourquoi je me faisais ça. Je ne comprenais pas.

(À lire : Une nuit d'orage)

J’avais mis tellement de temps à me dire que si j’étais toute seule, c’était par choix. Parce que j’avais besoin d’être forte et indépendante, mais que ça ne se faisait pas en claquant des doigts. Du temps seule pour me bâtir, moi, avant de construire quelque chose à deux, avec toi. Parce que je voulais apprendre à me connaitre avant de m’ouvrir aveuglément à quelqu’un. Parce que je voulais avoir confiance avant de me montrer vulnérable à un petit quelqu’un d’autre. J’avais tellement bûché pour devenir une vraie femme, une vraie fille, une vraie blonde, une vraie toute. Là, je me sentais prête à être vraie. Je m’étais bâti une estime, une force, une vie. Je me sentais assez solide pour partager la cabane que je m’étais construite sans que ça s’écroule, sans que ça foute le camp, sans que ça décriss pis sans que je me décriss aussi.

C’est moi qui avait besoin de ce temps, pis je l’avais pris. Ça m’avait servi. Je m’étais construit.

Comme j’espérais, t’es arrivé au bon moment en me garrochant de l’amour à la pelleté. En me présentant des projets, des futurs plans pis de l’amour. De l’amour en mots, de l’amour en gestes, de l’amour en trop. Trop. C’était trop soudain, trop différent d’avant, peut-être trop vrai, mais trop épeurant pour toi pis moi finalement.

Donc en deux temps trois mouvements, tout fou le camp. Parce que tout à coup, quand je me rapproche d’un nous-deux plus sérieux, je deviens celle qui s’en fait pour rien pis pour toute; qui recule malgré tout le chemin parcouru depuis un bout aussitôt envahie par ses doutes. Au moindre petit coup de vent, je m’écroulais tellement facilement. Je me décevais. Je m’en voulais. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait.

Mais finalement, je me suis arrêté un moment. J’y ai pensé un instant. J’ai compris que c’était peut-être moi, la marde. Ma face de marde, ma motivation de marde, ma mentalité de marde pis mon humeur de marde. Mon air bête quand je me levais, c’est moi qui le choisissait. À travers toutes les attitudes que je pouvais adopter, c’est moi qui prenait la mauvaise à porter. Tu choisis un mauvais outfit des fois. Bin la face de marde, ça aussi, c’est tes choix à toi. Mes doutes, mes questions pis mes nuits qui tournaient en rond, c’est toujours moi qui les semais, qui les arrosais, pis qui leur mettais de l’engrais. Pis ce que je me suis forgé comme personnalité au fil des années, ça aussi, c’est juste moi qui étais en train de l’ébranler, y’a pourtant rien de changé pis je ne devrais pas m’inquiéter.

Fac j’me suis réveillée ce matin pis je suis retournée faire le ménage dans ma cabane si bien solidifiée mais pourtant tellement encombrée. J’ai dépoussiéré celle que je connaissais, celle que j’étais, par choix, avant toi. J’ai aménagé chaque coin, rempli chaque espace pour me bâtir un monde dans lequel je suis parfaitement comblée sans personne à mes côtés. Pis je t’ai laissé la porte d’en arrière déverrouillée, si jamais t’as le gout de t’essayer. 

Source image de couverture : Unsplash

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