À mes consanguins,

Il était là, accoté au bar. Moi j’étais juste à côté, assisse sur mon petit tabouret à attendre le prochain qui me réclamerait une bière, fort probablement une 50.

- Hey pour vrai, hier soir ça paraissait ben trop qu’il te cruisait!

- Ben voyons, c’est sûr que non. En plus, il sait là que j’ai un chum. Je l’ai mentionné je ne sais pas combien de fois.

- Ça ne veut rien dire ça…et souviens-toi d’où on est et de ce que je t’ai dit…

On était loin. Dans un endroit où les moyens de communication ne peuvent pas être qualifiés d’efficaces. Récemment, je décidais de prendre une année sabbatique pour partir sur un contrat de travail différent. Un contrat de six semaines en région isolée et confinée. Mes 49 collègues de travail allaient devenir les seuls êtres humains avec qui j’aurais un contact pendant toute la durée du voyage.

Et elle me l’avait dit : « Tu vas voir, ici c’est une microsociété. Les liens avec les gens se développent 10 fois plus vite que dans la vraie vie, si ce n’est pas plus. »

Lui et moi, on se voyait à chaque jour, plusieurs fois par jour. Pas le choix, on était cloitrés ici. Il arrêtait à mon bureau jaser. On se croisait le soir entre une session de yoga et un jam de guitare. Il m’écrivait des petits mots.

Et je riais. Je trouvais ça drôle. Une situation simple et cocasse qui me rendait joyeuse… parce que tsé, qui n’aime pas se faire cruiser dans la vie? C’est flatteur, tout simplement.

J’écrivais à mon chum que tout allait bien, que je l’aimais et que je m’ennuyais, en étant profondément et sincèrement convaincue que c’était l’amour de ma vie.

Jusqu’au jour où j’ai compris. Compris que ce n’était plus juste drôle et flatteur.

Comment? Comment est-ce que j’avais pu développer, en parallèle avec le soi-disant amour de ma vie, des sentiments envers cette personne que je ne connaissais même pas il y a quelques semaines?

J’ai passé les semaines qui suivirent à survivre à une montagne russe d’émotions. Confinée au milieu de nulle part avec celui qui me faisait maintenant vibrer, loin de celui que je pensais aimer. Ce voyage était en train de me rendre folle, autant positivement que négativement. J’enchainais les soirées de rire, d’alcool et d’amitié à celles de pleurs et de questionnements et à celles d’affection et de gratitude.

Comment est-ce que la vie peut parfois poser autant de dilemmes et de questions sans réponse? Sans équivoque, je suis profondément convaincue que ce que la vie met sur notre chemin est là pour une raison et qu’une signification s’y rattache. Une signification qui parfois peut nous faire grandir en nous faisant progresser dans le chemin déjà tracé, mais qui parfois peut aussi nous faire virer, à 180 degrés.

amour tattoo mainsSource image: Pixabay

Ce soir, en quittant ma microsociété et en revenant à la réalité, je vais chez celui qui était jadis sensé venir me chercher à l’aéroport. Je ramasse toutes mes choses et je quitte.

Je le quitte.

Parce que mon petit feeling intérieur me dit que c’est l’option du virage à 180 que je dois prendre. Non pas sans un pincement au cœur et des doutes.

Mais, par contre, il existe une chose dont je ne doute pas; à quel point je suis reconnaissante de ce voyage.

Les gens sont ceux qui donnent la couleur à nos voyages et les voyages sont ce qui donne la couleur à qui nous sommes, quelque soit la vraie définition de votre voyage.

À travers le mien, mon voyage, on a ri, on a bu, on a pleuré, on a partagé, on a expérimenté…. on a vécu.

voyage océan rivière coucher de soleilSource image: Alexandra Cournoyer
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