Une « criss de folle » : c’est le « surnom » que l’on donne souvent à une fille qui ne se gère pas, qui fait le point sur son anxiété. Je vais vous dire que ce n’est pas le sujet le plus emballant du monde. Vous parler de mes vomissements nerveux, de ma perte de cheveux, de mon obsession pour la perfection, de mes mille et un scénarios qui se créent dans ma tête après avoir lu un message texte d’un gars pas trop clair ou encore quand je pète une coche à mon boss avant de lui dire ses quatre vérités en pleine face et que je démissionne en pleurs. C’est refusé ! C’est juste non !

Bref, ce n’était pas facile de vivre dans ma tête des fois, puis c’était difficile de bouger et de me dire que j’avais besoin d’aide. Je n’étais pas certaine, mais je me suis rendu compte que ce n’était pas normal de me dire que je suis le pire humain de la planète parce que j'ai oublié de dire merci au petit monsieur qui me dit bonjour à l’entrée du IGA. Ce qui est encore moins normal, c’est d’arriver chez moi et décider de retourner au IGA me chercher un citron, un citron qui m’a pris trente minutes à choisir parce que même s’il va finir éviscéré dans mon verre d’eau, bien c’est important qu’il soit parfait tsé, juste pour, cette fois, dire bonjour et merci au petit monsieur.

Bref, ma vie au quotidien c’était un peu l’enfer. Même que je faisais bien rire mes amis et mes collègues avec mes histoires d’anxiété, mais un jour ce n’était plus drôle. Un jour, j’ai explosé. J’ai atteint un point de non-retour et par conséquent, mes histoires drôles se sont transformées en histoires inquiétantes. Pleurer chaque jour, me demander pourquoi je suis née, me convaincre que je ne sers à rien, me croire quand je me raconte que personne ne m’aime, que j'avais échoué. Par exemple, je pouvais passer plus d’une semaine à me dire que je n’étais même pas assez bonne pour faire des biscuits. Bref, c’était lourd.

depression fille

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Comme je ne voyais pas trop souvent mes amis, je ne me sentais pas à l'aise de leur en parler. C’était facile de faire semblant d’être heureuse quelques heures, mais mes collègues de travail, eux, étaient plus difficiles à berner. Je dis collègues, mais en fait, c’est plus une famille au travail. J’ai commencé à verbaliser à cette famille que je n’y arrivais plus. Que toutes les sphères de ma vie étaient contaminées par mon anxiété et tous mes petits moments de bonheur étaient difficiles à trouver. J’ai donc décidé qu’il était temps d’aller voir mon médecin et de trouver une solution temporaire à ma tempête. Juste me rendre à mon rendez-vous était un cauchemar. Bref, je suis arrivée à mon rendez-vous et pour une fois j'étais vraiment contente que mon médecin  ait été en retard d’une heure et demie. Je me disais que j’allais surement pouvoir me gérer d’ici là.

-Marie-Philippe Lacasse ?

Je suis restée là, sur ma chaise, paralysée. Je m'étais promis que je n’allais pas pleurer.

- Marie-Philippe Lacasse ?

Je me suis levée , j’ai regardé par terre jusqu’à la porte du bureau de mon médecin de famille. Lui, je l’aime en maudit. C’est lui qui m’a sortie du trou et qui depuis s’assure que je ne vais pas mourir d’un cancer du cerveau quand j’ai mal à la tête ou qui me confirme que mon vagin est bien en santé et que contrairement à ce que je pensais, je n’avais pas la syphilis, mais bien une vaginite à levure.

Bref, je me suis assise sur sa chaise de consultation et dès que nos regards se sont croisés, j’ai laissé mon orgueil et mes promesses aux vidanges puis j’ai pleuré ma vie. En fait, JE NE ME GÉRAIS PLUS PANTOUTE! Je me suis mise à lui raconter ma misère du quotidien. Il restait là, sans mot, à m’écouter sans vouloir m’interrompre dans mon monologue parsemé de : JE NE COMPRENDS PAS SÉRIEUX! JE ME TROUVE CONNE!, JE PLEURE MA VIE TOUT LE TEMPS! et d’un peu de morve qui coulait de mon nez. Bon, j’ai quand même rempli quelques mouchoirs, mais bon, vous pouvez vous imaginer la situation…

-Je pense que tu es triste en plus d’être anxieuse, parce que visiblement tu pleures.

Belle observation docteur! J'ai rajouté en déblatérant sur mes angoisses:

-TSE dans la vie, moi quand ça va mal, je vais sur YouTube puis je regarde des vidéos de bébés animaux. Les bébés lapins ce sont mes préfs ! Puis normalement, ça me donne le sourire. Mais là là...(Pause morve) Là là, même les bébés lapins ça ne me donne pas le goût de sourire! 

Mon médecin n’a pas pu s’empêcher de sourire un peu, mais je n’étais pas insultée. Il m’a donc proposé une médication afin de gérer mon anxiété et aussi d’aller consulter. J’étais vexée et déçue à la fois de réaliser que j’avais besoin de ça pour « me gérer ». Mon médecin, le meilleur du monde, a pris le temps nécessaire pour m’expliquer en long et en large que c’était une solution temporaire et qu’avec du travail sur moi-même, j’allais pouvoir récupérer mes petits moments de bonheur. Que la médication n’était pas une solution à vie et qu’il fallait faire des efforts pour trouver des moyens de gérer l’anxiété. Je l’ai remercié pour ses mouchoirs et son écoute et je suis allée chercher ma première capsule à la pharmacie. Avant de prendre la voiture, j’ai téléphoné à mon BFF du travail en pleurant encore pour lui raconter à quel point j’étais looser d’avoir besoin de médicaments pour vivre normalement, mais il a trouvé les bons mots pour que je me sente normale et non comme le pire des déchets. Une chance que ça existe ces personnes-là qui trouvent les bons mots. Quoi faire sans eux!

Les jours qui ont suivi, mes collègues ont été présents pour moi et m’ont fait sentir comme si tout était normal, même si je me sentais légèrement zombie. Une version plate de moi. Sans émotion et sans exubérance. J’étais encore, secrètement, en train de me dire que j’étais nulle d’avoir besoin de ça, mais j’ai décidé de persévérer.

Après quelques semaines, j’ai vu une énorme différence. J’étais de retour dans ma tête avec ma personnalité colorée, mais beaucoup moins extrémiste. Disons que mes obstacles du quotidien devenaient de moins en moins présents et qu’il était maintenant possible d’avoir des pensées positives en me levant le matin et avant de me coucher le soir. J’avais tué le hamster jumeau diabolique qui voulait régner à la place de celui qui était peut-être un peu plus enveloppé, mais qui s’agitait dans sa roue au bon moment pour me faire avancer.

Mes petits moments de bonheur sont revenus un à un... Mon chocolat chaud extra guimauves goûtait le ciel, mes séances de lecture n’étaient plus interrompues par des idées de « marde » et surtout, surtout, les bébés lapins me redonnaient dorénavant le sourire. Mission accomplie. Disons que c’est plus un pas en avant car comme c’est un chemin plutôt long pour apprendre à gérer mon anxiété. Je voyais tout ça comme une victoire et surtout, je me gérais enfin.

En ce moment, j’apprivoise ladite normalité et je me rends compte que la vie, ce n’est pas si lourd. Du moins, ce n’est pas si lourd chaque jour. Je suis encore dans le deuil de mon ancienne moi parce que même si elle était un peu extrémiste, je m’étais attachée à sa vision de la vie quand tout allait bien. Des fois, je me trouve trop « adulte » dans mes réactions et un peu plate, mais je crois que tous mes moments de bonheur valent plus qu’une autre anecdote à raconter dans laquelle j’ai vomis à des endroits pas possibles parce que j’étais angoissée de la vie. Je ne sais pas combien de temps je vais être sur ma médication encore, mais même si je n’ai pas totalement accepté le fait que j’avais besoin de ça, je vais continuer de suivre les indications de mon médecin et prendre mon mal en patience. Au moins, je reste encore une « criss de folle » à certains moments, mais plus pour les mêmes raisons. J’ai quand même un caractère de marde tsé !

L'anxiété touche, malheureusement, beaucoup d'entre nous. Quand on se rend compte qu'on « ne se gère plus», que nos angoisses prennent le dessus sur notre vie, il faut aller chercher de l'aide.

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