C’était une journée sombre, tsé celles où il pleut autant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Les essuie-glaces de mon auto dansaient au même rythme que les larmes sur mes joues. Mes fenêtres étaient entrouvertes; j’espérais que la brise réussisse à tranquillement sécher mes pleurs. En vain. Et c’est à ce moment que je t’ai aperçue, entre deux brouillards de larmes : on ne pouvait pas te manquer avec tes beaux yeux verts et ta couette de cheveux en bataille placée sur le côté. Tu t’es approchée de ma voiture. J’évitais ton regard. J’avais honte. Une habituée des regards qui fuient le tien, tu es persévérante. Tu m’as demandé si j’étais ok. Mais lorsque tes yeux ont rencontré mes larmes, tu n’as jamais été aussi lucide. Tu étais en terrain connu, toi dont les larmes avaient creusé des rides le long de tes joues. Ton gobelet de café vide, qui était en quelque sorte ton meilleur ami et ton pourvoyeur depuis tant d’années de solitude, se faisait aller au gré de tes paroles. C’est avec une main sur le cœur que tu m’as dit : « Tout va bien aller ma fille. » Et alors que je détournais une fois de plus le regard, tu m’as forcée à pénétrer ton regard aqua si profond et tu m’as répété : « J’te le promets, tout va bien aller. » Tes deux mains empreintes de saleté ont alors dessiné une forme de cœur dans les airs; toi l’artiste de la rue qui vit d’amour emprunté aux passants.

pluie fenêtre lumière autoSource image: Unsplash

C’est à ce moment que j’ai compris que je n’avais pas à avoir honte… J’ai compris qu’en cet instant présent et précis, tu étais la plus forte de nous deux. Que je pouvais m’appuyer sur ton regard le temps d’une faiblesse et d’un feu rouge. Que la possession de matériel et la réussite professionnelle ne riment pas toujours avec force de caractère. Que j’avais le droit, moi aussi, de me sentir vulnérable en dessous de ma carapace en acier.

Tu m’as soulagée d’un poids lourd et c’est avec le cœur un peu plus léger que tu es disparue de ma vie comme tu y es entrée : soudainement. Merci ma belle dame au gobelet dansant. Prends soin de ton grand cœur. Et si un jour il pleut par chez toi, je te glisserai sous ma carapace. On se gardera au sec ensemble.

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