Tsé le « small talk »?

Quand ça m’arrive, même si ça dure l’instant d’un regard, les réponses ne me viennent pas spontanément.

« Hey non, mais y fait-tu assez beau hein? »

« Oui hein »

« Chu allé prendre l’air ce midi ça fait du bien cââââline! »

Je n’ai rien ajouté à ça. Je n’ai pas pu. Je n’ai pas su.

Ça crée un silence interminable, mais qui en réalité a dû durer trois secondes, en se fixant dans les yeux ayant l’air de vouloir dire « …faque c’est ça là… ».

Je sais je sais, j’aurais pu renchérir par « Faut en profiter !!! Y annonce de la pluie vendredi.» Mais ça me tente pu même si des fois je le fais pour éviter un malaise chez l’autre qui se soucie autant de la météo que Mado de son Bingo.

Parfois il m’arrive de m’ennuyer du temps où nous étions trop jeunes pour passer par cette avenue pour entreprendre la conversation avec quelqu’un.

À cette époque, suffisait d’aller à la patinoire de ton nouveau quartier avec ton bâton, tes gants pis idéalement tes patins pour te faire de nouveaux amis. Pas de débuts de discussions vides, pas de passages par quatre chemins pis encore moins de « …ouin ben ce n’est pas chaud chaud hein? La patinoire est gelée maudit! » - slap shot dans bande 3 pieds à côté du net.

Rien de tout ça comme introduction de conversation.

Tu n’avais qu’à embarquer sur la glace pis d’aller du côté des pâles ou des foncés selon la couleur de ton manteau ou de ton chandail de hockey.

C’est à quel âge qu’on commence à se soucier davantage de Dame nature que d’hommes matures? De météo que de me too? De pluie que de pleurs?

Un jour, au temps où mes bras commençaient à allonger pas mal plus vite que mon tronc, je me suis aperçu qu’une nouvelle petite voisine venait d’emménager dans le bloc à côté de chez nous.

Par « aperçu » j’veux dire que c’est mon amie Hélène qui habitait aussi dans le même bloc qu’elle qui me l’a dit. Elle arrivait tout juste de la Pologne en plein milieu d’année. Pas Hélène là, la nouvelle voisine.

J’me souviens que dans ma grosse tête de préado difforme, ça m’avait impressionné et fait peur de savoir ça pis pas nécessairement dans cet ordre-là.

Impressionné parce que je connaissais la Pologne seulement à cause du Pape Jean-Paul II que je voyais à la télé pis peur parce que je ne parle pas pantoute le polonais d’un coup que je la croisais.

Elle s’appelait Magda. Petite blondinette aux beaux grands cheveux brillants presque blancs. Je l’avais vue quelques fois traverser la rue sans plus.

Pis par un bel après-midi d’été, Hélène et elle étaient sorties de leur bloc pendant que j’étais entrain de jouer au kickball avec des amis dans cour. Cour qui servait surtout voire uniquement de stationnement arrière où chaque botté de ballon provoquait systématiquement un plissage d’yeux et un haussement d’épaules à la vue du ballon qui se dirigeait plus souvent qu’autrement vers les vitres et portes de chars stationnés.

« On peut jouer avec vous autres? »

J’ai répondu oui en premier pis peut-être même avant la fin de la phrase.

Parce que ça n’avait pas l’air de tenter à Foster, Santerre pis Boily que ces deux jeunes filles frêles se joignent au « Boys club » de la rue Bernatchez à Vanier.

Je le savais pas encore, mais par chance qu’on avait entre 8 pis 11 ans parce que probablement que ses premiers mots pour jouer avec nous aient été « Fait un boute qu’y a pas mouillé hein!? »...ou bedon « Non, mais on est-tu ben en vacances!? »

J’étais en équipe avec Ferland. On était 2 contre 3. Y a été décidé qu’elles s’en venaient dans notre équipe. J’pense qu’après coup mon « oui » vif venait de clore le débat de la refonte des équipes.

Pendant que je regrettais de ne pas avoir été avant ce moment à la bibliothèque pour chercher un livre sur le pays et la langue du pape, j’entends : « C’est à qui à botter? » dans un français impeccable et encore meilleur que celui de Foster.

En six mots, Magda venait de s’intégrer. S’intégrer plus rapidement qu’il ne m’en avait fallu pour ravaler ma salive depuis qu’elle était arrivée.

On a joué pendant des heures, on a ri, on n’a pas pété de pare-brise pis quand on s’est revus à l’école quelques semaines plus tard, on s’est salués comme si on se connaissait depuis longtemps, depuis tout l’temps. Elle m’a même appris quelques mots en polonais. Surtout ceux qu’elle ne pouvait pas dire en jouant au ballon ou à la maison pour ne pas se retrouver en punition.

Je repense quelques fois à ces moments si simples et innocents qui, me semble, font qu’on se souciait moins du paraître pis plus du être.

On se ramassaient à jouer au docteur dans l’temps de l’dire sans même devoir prendre rendez-vous ou de s’inscrire en vue d’avoir un médecin de famille.

Maintenant, les temps ont changé.

J’comprends qu’on ne peut pas, dans un 5 à 7 de réseautage, se faire de contacts en s’auscultant le chest mais moi dans ces moments-là, je suis clairement pas bon dans l’art de promouvoir et d’entretenir les petites discussions au-delà de deux phrases. Ensuite le temps est long.

J’comprends qu’on ne peut pas toujours entretenir des discussions profondes et sensées en se croisant dans un corridor ou dans la rangée 5 à l’épicerie, mais j’pense que si j’pouvais les éviter et réussir à m’échapper, je le ferais.

Un beau « Bonjour! » franc, senti et souriant tout en continuant son chemin quand on rencontre des gens qu’on connaît moins, fait la job. Finis les « Salut ça va? » juste pour être poli, mais pas intéressé. Pour l’avoir quelques fois essayé lors de rechutes, ça peut paraître froid et indifférent, mais je vis mieux avec ça.

Gardons la météo à l’extérieur. Focalisons sur des moments sincères et d’intérieurs.

Parle-moi d’enfance, de niaiseries, de mensonges que t’as déjà dits. Déblatère sur ce qui te passionne et te réconforte. Déconne sur tes peurs que tu ne peux pas t’empêcher d’avoir. Tes peines d’antan que tu ne pensais pas qui allaient perdurer si longtemps. Tes insécurités qui te déchirent, tes joies qui t’enivrent.

J’aime les gens qui ont de la profondeur, qui s’expriment avec émotions même si le fil conducteur se brise quelques fois à l’heure. Les esprits tordus. Les regards enfantins. Pas besoin d’avoir le temps d’un weekend au chalet ou d’un sept jours sur une plage pour éviter de parler sans rien dire. On interagit chacun et chacune avec autrui à notre façon. Mais moi ce que j’essaye d’éviter et où je me sens le moins bien c’est dans les petites discussions.

Jesteś kiepski na balu Santerre!

Ces mots furent la plus douce des mélodies à mes oreilles décollées.

C'est vrai que Santerre était crissement mauvais au ballon.

Image de couverture via Pixabay

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