D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours cherché à être la première sur le podium dans toutes les sphères de ma vie. J’avais la vision noir ou blanc. Satisfaction garantie uniquement si j’atteignais l’excellence, cette quête insatiable. Satisfaction souvent éphémère une fois atteinte de ladite perfection à la recherche d’encore plus.

Ce fut le cas dès mon enfance. On croit à tort que les enfants obsédés par la quête de la performance sont le reflet de parents exigeants. Étonnamment, ce n’était pas mon cas. Bien sûr, mes parents m’encourageaient à me dépasser, mais ce n’était jamais malsain. Ils leur arrivaient même de me recommander de baisser mes attentes envers moi. Néanmoins, je dois avouer que la société nous martèle d’idéaux de perfection divers qui doivent assurément être une variable de l’équation en dehors du milieu familial dans lequel on évolue.

 

Enfant, je me devais de gagner les concours de français. Je voulais toujours être dans la première rangée de mes spectacles de danse, là où étaient placés les meilleurs. Je me rappelle avoir profondément détesté les arts plastiques parce que le dessin n’était clairement pas un de mes talents. J’avais en aversion les domaines où j’avais de la difficulté parce que ça me confrontait à un échec. Oui, parce qu’une difficulté était pour moi un échec dans ce temps-là.

Adolescente, je me rappelle m’être donnée comme objectif d’être parfaite sur tous les plans de ma vie, sans exception. Je devais gagner la mention d’excellence pour le rendement académique à chaque étape, je devais avoir le rôle principal en théâtre, je devais avoir les vêtements de la section nouveauté des magasins, je devais avoir plein d’amis, je devais être intéressante et jamais ennuyante, peu importe... JE DEVAIS.

souliers de ballet danseSource image: Unsplash

Jusqu’à ce que mon cerveau me lâche solidement. Jusqu’à ce que je me rende dans le minuscule bureau de mon médecin de famille à pleurer parce que je voulais comprendre ce qui se passait dans ma tête. Comprendre ce qui faisait que je quittais l’école parce que j’avais l’impression que j’étais pour perdre connaissance. Ce qui faisait que je sortais de la classe pour aller aux toilettes pour aller pleurer durant le cours de sciences. Ce qui faisait que je me réveillais en panique. Je me rappelle avoir eu accès à plusieurs mots qui étaient destinés à expliquer tous ces maux.

Je me rappelle d’avoir entendu sortir de la bouche des médecins les termes suivants : «phobie sociale», «dépression», «trouble obsessionnel compulsif», «attaques de panique», «anxiété généralisée» pour finalement finir par tous les regrouper. Ce qui était écrit sur la tablette du médecin après plusieurs rendez-vous était ceci : Trouble de l’anxiété multiple sévère / dépression majeure. Aouch! Miss parfaite était une malade mentale. Pas une p’tite maladie cute. Non. J’étais une malade mentale sévère et majeure. Cristi!

Mes actions étaient devenues effectivement représentatives de ces adjectifs, donc je ne pouvais remettre l’expertise du médecin en doute. J’étudiais jusqu’à apprendre des chapitres de manuel scolaire presque par coeur. Je prenais soin de ne pas remettre le même vêtement à condition que deux semaines soient passées pour ne pas porter toujours les mêmes (ben oui, où est la logique?) Je pensais aux sujets de conversation dans l’autobus pour avoir toujours un sujet intéressant sur lequel échanger avec mes amis et pour éviter les silences qui me donnaient envie de disparaître. Ça c’était une de mes plus grandes peurs, être plate. Mon quotidien était rendu un enfer. Il était devenu un examen. J’étais devenue mon propre bourreau. J’étais ma pire évacuatrice dont le crayon correcteur était toujours prêt à intervenir.

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Aujourd’hui, je repense à cela et je suis vraiment triste. J’ai aussi de la difficulté à comprendre tout ce que je me faisais subir. J’étais profondément malade. J’étais en détresse. Encore aujourd’hui, ça me suit quelques fois. Lorsque je commence de nouvelles tâches ou fonctions, je désirerais avoir 30 ans d’expérience du haut de mes 25 ans d’existence. J’ai déjà voulu arrêter le dek hockey parce que je n’étais pas habituée d’être poche dans quelque chose. J’ai eu une passe d’obsession sur mon poids dans les dernières années. Mais maintenant, ça va mieux. Je m’encourage à relativiser en me disant que c’est normal de ne pas être sur la coche au début, que c’est correct aussi de ne pas exceller dans quelque chose pis que ça peut être plaisant quand même et surtout, que la santé physique et mentale sont sacrément plus importantes que n’importe quel idéal cognitif que l’on se fait soi-même ou que la société nous projette.

Ce n’est pas parfait encore, mais c’est de moins en moins difficile. Et puis, même ça, ça n’a pas besoin d’être parfait et c’est là que ça prend tout son sens. Il y a des moments où je suis plus fatiguée ou plus stressée dans lesquels je ressens mes vieux fantômes refaire surface, mais maintenant j’ai plus d’outils, j’ai plus d’expérience et j’ai beaucoup plus de contrôle.

À défaut d’être devenue mon propre bourreau par le passé, je tâche de devenir ma meilleure alliée dans le présent et pour le futur. Et plus souvent qu’autrement, j’y parviens.

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