Aimer ce n’est pas seulement aimer bien, c’est aussi comprendre. 

J’ai pris du temps pour comprendre certaines choses de la vie, les relations que j’entretiens avec les autres. J’ai pris du temps pour apercevoir les impacts négatifs et positifs que les autres peuvent avoir dans ma vie. Du temps pour constater comment il m’est difficile de m’ouvrir aux autres. Et pourtant, je suis une personne très sociable, assez abordable et ouverte. Je souris aux inconnus. Je suis pleine d’énergie et très abondante dans mes échanges. Je vois toujours le bon côté chez les personnes que je fréquente. Je suis très conciliante et compréhensive avec les autres.

Je crois à la liberté individuelle : que chacun puisse faire ce qu’il ou elle, iel veut de sa vie. Je suis peu exigeante dans mes rapports avec les autres, ce que certains jugent comme un défaut chez moi. C’est comme accepter les miettes. En moi-même, je me dis que je n’ai pas le droit d’exiger quoique ce soit de l’autre. C’est à lui d’en décider ce qu’il, elle, iel peut donner.  Mais, au fond, je vis avec une peur.

Peur de n’être pas assez bien pour ceux qui comptent à mes yeux. Ou de ne pas répondre aux critères d’une fille bien.

Peur de ne pas pouvoir apporter grand-chose dans la vie de l’autre. Peur de montrer mes failles et ma vulnérabilité, de paraitre insignifiante, de trop demander.

Peur de ne pas rendre fière, de ne rien réaliser. Ou même peur d’être moi.

Peur d’assumer ce côté vulnérable et dépendant. Les gens ne voient pas tout ça ; ils ne voient pas cette fille instable, repliée, brisée en miette, cette fille qui marche les pieds nus, avec les larmes qui coulent, celle qui ne dort presque plus, qui a les yeux gonflés au réveil.

Cette partie est inaccessible aux autres

Je crois qu’ils préfèrent la fille joyeuse, qui rit à gorge déployée, paraissant insouciante de la vie, rationnelle dans ces propos, gardant le contrôle dans toutes les situations.

Cette fille aux regards cachés sous des lunettes noires, toujours accrochée à un bouquin, qui participe toujours dans une conférence ou autre. Cette fille qui répond toujours aux questions, qui ne sait pas dire non même quand ça peut la déranger. Puisqu’elle ne veut blesser personne. Son intention est de permettre à tout le monde de se sentir confortable. Et pourtant, je suis consciente que je me fais du mal.

Je sais que je dois effectuer ce travail sur moi-même, sur mon estime de soi

Je sais aussi que je dois apprendre à m’aimer, à m’accepter, et accepter que je ne puisse pas être tout le monde. Je veux dire que je ne peux pas être toutes ces personnes différentes que les gens auraient aimé que je sois. À ne pas me contenter des miettes. J’avoue que je suis encore dans le processus. J’avance à petits pas. J’avoue aussi que je trébuche tous les jours, que je ne respecte pas toujours ma volonté, mais j’avance.

La vie est un continuel apprentissage : on apprend ce qu’on ne sait pas, ce qu’on savait déjà, peut-être pas de la bonne manière. Ce processus me permet de voir comment il nous est difficile en tant qu’être humain de reconnaitre nos erreurs, de reconnaitre qu’on puisse blesser une personne sans vraiment le vouloir. Il me permet d’accepter que la compréhension ne soit pas toujours au rendez-vous chez les êtres humains. D’accepter toutes les émotions positives ou négatives que je puisse ressentir face à quelqu’un ou dans une situation quelconque.

Puisque j’ai cette tendance à tout refouler, j’ai fait semblant d’aller bien même si au fond, je m’effondrais. Je tiens tellement à cette image de fille forte, indépendante que les autres voient en moi. Est-ce la raison pour laquelle mes proches ne s’inquiètent pas trop pour moi. Puisque dans leur tête, je peux tout gérer, tout supporter. J’ai fini par le croire moi aussi. Certaines fois, il nous arrive de vivre des douleurs tellement atroces   qu’on finit par penser qu’elles ne peuvent plus nous atteindre. C’est faux : toutes les douleurs se diffèrent entre elles. Il n’y a qu’un seul point commun entre elles : ça fait mal, super mal… c’est tout.  En vrai, ce n’est pas leur faute.

C’est l’image que j’envoie

C’est ainsi que je veux être. Je veux pouvoir ramasser seule les miettes après l’orage, sans compter sur personne. J’ai été élevée ainsi, dans la solitude, dans le silence des mots, dans les sentiments non avoués. Dans ma famille, on garde tout au fond de soi. Il y a que les reproches qui se disent à voix haute. Et les efforts, les réussites sont considérées comme quelque chose d’ordinaire, qui ne méritent aucune appréciation.

Je ne veux pas être une personne ingrate, ou insouciante de tout ce qu’on a fait pour moi. Peut-être qu’ils n’ont pas compris que c’était nécessaire et même vital pour moi. Les mots remplis de gestes et d’actes me permettent de croire. Croire que l’on puisse s’intéresser à moi, à ce que je fais, à ce que je dis. Croire que l’on puisse m’aimer. Au fond, on veut tout ça : aimer et être aimé en retour.

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