Douze longues années se sont écoulées depuis le jour où j'ai pris l’avion avec mon mari, mes trois enfants et notre ancienne vie qui se résumait à trois valises.

Le 21 juin 2011, je prenais l’avion pour vivre la plus grande aventure de notre vie. L’immigration au Québec en famille au départ de la France. Aujourd’hui, quand j’y repense, les émotions sont encore très présentes.

Le départ. On laisse derrière nous une partie de soi

Après deux ans d’attente, le jour J est arrivé. Je m’en souviens comme si c’était hier. Je nous revois à l'aéroport de Toulouse, attendant l’avion avec les enfants. Le dernier au revoir aux amis, le cœur serré et battant. M'efforçant de ne pas montrer mon trouble intérieur et de rester rassurante pour les enfants.

Au moment de passer la douane, mon cœur s’est emballé et c'est moi qui ai avalé la bouteille de Fleurs de Bach que j’avais achetée pour ma fille. À ce moment-là, je me suis dit :  « Je fais le meilleur choix de ma vie ou la pire des bêtises. »

Je me rassurais en me disant que je partais pour deux ou trois ans. Impossible pour moi d’envisager un départ définitif.

Pourquoi partir pour le pays de l’hiver ?

On m'a souvent posé cette question. Le goût de vivre une aventure, mais aussi l’envie d’une vie meilleure pour nos enfants. Nous partions la tête pleine de rêves de grands espaces et d’envie de croire que l’herbe est plus verte ailleurs.

L’atterrissage en sol canadien

Recommencer à zéro et laisser derrière nous la famille, les amis, le connu pour un nouveau pays est tout un défi.

Passé les premiers moments de découverte, on ne mesure pas tout ce que ça demande de capacité d’adaptation, de résilience pour se reconstruire une vie, loin de nos repères habituels.

Une chance que l'on parle la même langue avec de grosses variantes tout de même ! Juste commander une saveur (et pas un goût) de crème glacée (pas une glace !) avait été toute une aventure pour me faire comprendre.

Choisir le matériel de classe pour la première rentrée scolaire des enfants avait été une expérience : demander le rayon des cartables (sacs d’école en France) et se retrouver devant les classeurs. Donc, on ne demande pas une gomme, mais une efface. La gomme, ça se mâche. Bah oui.

Et un duotang, kecèça?

Et mon parcours professionnel en dix ans?

En immigrant, on devient adaptable et on accepte ce que l’on trouve, même si ça n’a rien à voir avec notre métier d’origine.

Alors, je peux vous résumer ça en quelques mots clés :

Des citrouilles, des moines, des huiles essentielles.

Je suis passée de prof d’anglais au collège (secondaire en France) à Conseillère en citrouilles, mon premier poste !

J’ai aussi occupé un poste de secrétaire de direction chez les moines (oui oui!), quelques autres postes variés, un peu d’enseignement, avant de renouer avec une de mes passions : les huiles essentielles et de créer ma compagnie. Ce n’est pas tout à fait le parcours professionnel rectiligne que j'imaginais.

Les défis

Le froid, l’hiver. L’éloignement de ceux que l'on a laissés derrière nous. Se refaire un cercle d’amis.

Nous avons connu des hauts et des bas. Des pertes d'êtres chers restés au pays, des pertes financières, des changements de cap, de bons moments et de grosses crises. Le besoin de retrouver ses racines qui resurgit souvent. J’ai pleuré bien des fois, mais lorsque je suis retournée en France la première fois, j’ai réalisé que mon nouveau pays d’adoption était devenu mon chez-moi.

Malgré tout, on reste un immigré, partagé entre son pays d’accueil et son pays d’origine, des années plus tard. Les enfants ont vécu ce même sentiment de manque de racines, intensifié avec l’adolescence.

Ma plus belle réussite

Aujourd'hui, ma plus belle réussite est de voir mes enfants qui se sont épanouis au Québec et vont à leur tour fonder leur propre foyer. Ils ont conscience de la richesse qu’ils ont de vivre ici, même si la France leur manque. Mais quand on leur a posé la question de savoir s’ils voulaient retourner vivre en France, les trois ont répondu non.

Alors, douze ans après, mon portefeuille n’est pas mieux garni, mais mon cœur est plus riche. Riche de belles rencontres, riche de plus d’ouverture. Riche d’avoir ouvert la porte du monde à mes enfants et de leur avoir donné le choix entre deux continents.

Je ne sais pas ce que me réservent les dix prochaines années. Mais je sais que je pourrai me retourner avec fierté dans 10 ans, regarder ma vie et me dire : « ça n'a pas été facile, mais quelle aventure ! »

Image de couverture via Unsplash
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