Du plus longtemps qu’elle se souvienne, elle s’excusait.

Elle s’excusait de tout.

Elle s’excusait d’être trop présente, trop absente, d’être trop sensible, trop douce, trop exigeante ou trop indépendante. Elle s’excusait d’avoir du caractère, d’être trop insécure, trop colleuse, mais pas assez démonstrative, d’être trop rigide, trop organisée, pas assez calme, ni zen.

Elle s’excusait d’avoir trop dépensé, de penser juste à elle, d’être contrôlante, de partir trop tôt, d’arriver trop tard. Elle s’excusait d’avoir trop de fun, d’être plate, de sortir trop ou pas assez. Elle s’excusait de ne pas avoir assez d’amis ou d’en avoir trop. Elle s’excusait d’avoir nui à ses rêves à lui, de lui imposer les siens, de l’empêcher de vivre une vie plus amusante avec ses amis. 

Elle s’excusait d’être intense et émotive ou froide et détachée. Elle s’excusait de ne pas avoir assez fait de ménage, d’être traîneuse, de mal gérer leurs enfants et leur maison, de travailler trop ou pas assez. Elle s’excusait d’avoir des diplômes et un travail plus payant que lui. Elle s’excusait d’avoir été forte, d’avoir été faible, de chercher son attention ou de fuir son regard.

Elle s’excusait de prendre du temps pour elle.

Elle s’excusait d’avoir des passe-temps plates et des passions ridicules. Elle s’excusait d’être malade, fatiguée, de ne pas avoir envie de lui, d’être trop entreprenante ou pas assez, ni au bon moment.

Elle s’excusait d’avoir les cheveux trop blonds, trop bruns, trop roux, trop courts, trop frisés, trop raides. Elle s’excusait d’être trop belle pour les autres et pas assez pour lui.

Elle s’excusait d’inventer des histoires, de lui prêter des intentions, d’avoir imaginé un certain ton. Elle s’excusait de crier, de pleurer, de ne pas le laisser bouder assez longtemps ou d’être dans sa bulle. Elle s’excusait d’insister pour discuter et régler leurs différends. Elle s’excusait d’avoir mal compris. Elle s’excusait de ne jamais rien comprendre.

Jusqu’au jour où elle s’excusait d’être folle, connasse, salope et hystérique. 

Elle s’excusait d’avoir l’air folle, de ne pas savoir gérer ses émotions. Elle s’excusait d’avoir crié en lui disant d’arrêter. Elle s’excusait de ressentir la douleur des mots dégradants, haineux et méchants qui se bousculaient sans fin dans sa tête et qui sortaient de sa bouche.  

Elle s’excusait d’avoir gâché sa journée et de l’avoir rendu de mauvaise humeur, de lui avoir donné le goût de consommer. Elle avait peur, alors, elle s’excusait pour tout et pour n’importe quoi. Elle s’excusait et le suppliait de lui pardonner. Qu’elle ne recommencerait plus.

Elle s’excusait d’avoir besoin de lui, qu’il la prenne dans tes bras, qu’il la chérisse. Elle s’excusait d’exister aux yeux de l’homme qui était censé l’aimer plus que tout. Celui qui était censé l’admirer, la protéger, être fier d’elle, l’enlacer.

Elle s’excusait d’être difficile à aimer.

Puis, le moment est venu où elle s’excusait d’être dans sa face quand il la poussait ou quand il la tassait brusquement de son chemin.  Elle s’excusait quand il la tenait fort par les épaules et quand il la brassait. Les moments où il la frappait, elle promettait la lune en le suppliant d’arrêter.

Ensuite, elle s’excusait.

Le jour où il a posé ses mains sur sa gorge, elle ne pouvait pas parler mais le suppliait du regard de s’arrêter. C’est le jour où elle a arrêté de s’excuser…

Source de l'image de couverture : Unsplash
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