Tiré de La Presse : « Au terme de quelque 13 heures de délibérations dans un tribunal près de Washington, le jury a donné raison à l’acteur de Pirate des Caraïbes sur les trois motifs de sa plainte en diffamation, lui octroyant 15 millions de dollars de dommages-intérêts. En clair, ils ont estimé de façon unanime qu’Amber Heard, 36 ans, avait émis de fausses déclarations en se décrivant comme victime de violences conjugales, et qu’elle avait agi “avec une intention malveillante”. Les sept jurés — cinq hommes et deux femmes — ont parallèlement aussi jugé que Johnny Depp, 58 ans, avait diffamé Amber Heard, lui allouant 2 millions de dollars de compensation financière. »

Source : Agence France-Presse

Et voilà le verdict est tombé.

Johnny Depp a gagné son procès contre son ex-femme Amber Heard (je vous invite à lire d’autres articles que celui-ci pour le côté judiciaire de la chose ou les détails légaux). En moi, il y a un profond malaise que j’ai du mal à cerner depuis le début de ce procès qui a été surmédiatisé.

Je commencerai par dire que j'ai suivi le tout de loin, sans parti pris.

Oui, la vedette dont les photos ornaient mon casier de secondaire 3 sort gagnante de cette saga, mais en moi, le doute demeure : que s’est-il réellement passé pendant leur relation (a-t-on tous vraiment besoin de le savoir ?), qui a dit vrai et qui a menti (j’aurais tendance à penser un peu les deux), mais surtout qu’est-ce que l’issu de ce procès aura sur le reste des accusations potentielles de violences conjugales et de diffamation.
Nous sommes au Canada et les tribunaux fonctionnent bien différemment ici que chez nos voisins du sud. Pourtant il demeure que le monde entier avait les yeux rivés sur leurs écrans aujourd’hui à 15 h. Je n’étais pas de ceux qui ont suivi à la loupe tous les détails, mais j’ai vu les nombreux extraits vidéos sur les médias sociaux, j'ai lu les articles journalistiques et je peux étrangement vous dire quelle vedette est l’ami de qui ou soutient quel parti sur ses plateformes.

Beaucoup d’informations… mais une fois encore : qu’est-ce qui est vrai ?

J’ai l’impression que la célébrité de Depp a joué en sa faveur et ça me donne un goût amer. Peut-être est-il innocent, mais il en demeure que comment le tout s’est déroulé sur les réseaux sociaux m’a fait avoir une certaine pitié pour Heard, comme si c’était « que le plus aimé gagne ».
J’ai du mal à comprendre comment de parfaits inconnus, face aux deux principaux intéressés, ont pu prendre position de manière si radicale sur le web. Je ne parle pas ici des amis ou des proches de Depp et Heard, je parle d’internautes comme vous et moi qui se forgent une opinion à coups d’articles, de vidéos et de ouï-dire. Comment certains mots-clics ont-ils pu devenir si populaires sans qu’on ressente ce malaise digne des campagnes de salissage du secondaire ? Nous ne sommes pas ici devant un cas où tout est noir ou blanc et où, je trouve, qu’il est facile de choisir son camp. Ce n’est pas Disney avec un gentil et un méchant, ce sont d’anciens amoureux dont l’histoire est complexe et dont la vérité risque de ne jamais éclore.
Mais un jury a décidé. Et j’espère sincèrement qu’ils ont pris la bonne décision et qu’ils ont raison. Je n’aurais pas voulu être à leur place. Et je suis inquiète du précédent et des représailles judiciaires potentielles que ce genre de procès aura pour les victimes de violences conjugales. Parce que c’est ça, au final, la nature d’un procès. Juger uniformément un crime peu importe qui le perpétue. Par la suite, si un agresseur aux États-Unis bat son ou sa partenaire et qu'il est poursuivi pour voie de faits, et perd son emploi à cause de son casier judiciaire: est-ce qu'il pourrait à son tour poursuivre sa propre victime ?

Et comment se sentent les victimes d’agressions sexuelles ?

Tous n’ont pas la célébrité de Depp et Heard, mais je ne peux pas imaginer un monde dans lequel un tel procès ne fait pas peur aux victimes d’agressions sexuelles. Parce que SI Amber disait vrai (je ne sais pas), elle n’était pas la victime parfaite et en aurait payé les frais. Et combien de femmes ne sont justement pas cette victime parfaite face à la loi et surtout à l’opinion publique et auront aujourd’hui peur de dénoncer ? Est-ce que le mouvement Me Too des dernières années vient de prendre un pas de recul ? On le saura bien assez vite.
D'un autre côté, si Depp disait vrai et qu'il a gagné, en effet, elle a nuit à sa réputation. Atrocement. Et oui, il pourrait avoir lui aussi subi des violences puisque des hommes se font aussi agresser.
Je pense qu'on ne saura jamais la vérité de manière claire, net et précise, malgré le procès, malgré les preuves. Et le malaise part de là.
Bref, j’espère que ce genre de procès ne deviennent pas nos nouvelles téléréalités à suivre en direct et sur les réseaux sociaux.
Image de couverture par Steve Helber (Pool Photo) via LA Times
Accueil