Une chose est sûre, je me souviendrai de mon 39e anniversaire toute ma vie. Comme ma sœur m'a dit le lendemain matin: « un licenciement, c'est original comme cadeau de fête!! » Ça m'a fait sourire. C'est bien un petit sourire en se réveillant après une veillée à avoir braillé! Et pour avoir braillé, j’ai braillé en masse. Sans ménagement. Comme s'il n’y avait pas de lendemain. J’ai tellement braillé que j’ai fait brailler mes enfants. Eux qui étaient déjà en confinement depuis dix jours et qui n’étaient pas sortis de leur pyjama depuis l’avant-veille. Eux qui, ce jour-là, avaient pris le temps de ranger toute la maison, de prendre leur bain, de me faire de superbes cartes et dessins de fête. Les garçons avaient même mis des nœuds papillon. Et moi, la mère, celle qui est supposée les protéger, les rassurer, les consoler, je n’ai même pas fait trois pas dans la maison en rentrant du travail que déjà j’explosais en larmes. Le déluge!

J’ai tellement braillé qu’ils ont tous braillé avec moi. On est allés se coucher dans mon lit et on s’est faits des câlins en braillant jusqu’à ce que mon chum arrive. Et moi, entre deux pleurs, qui s’excusait de leur faire vivre ça. Pathétique! Vous imaginez la belle image sur laquelle mon chum est tombée en arrivant à la maison…

« Bonne fête chérie! Heu!! Ça va chérie? Et les enfants? Bon ben, j’imagine qu’on n’ouvrira pas une bonne bouteille de vin et qu’on ne répond pas au téléphone de la soirée… »

C’est exactement ça! Pas de bonne bouteille ni de réponse aux appels téléphoniques et vidéos, aux courriels et autres messages via mes réseaux sociaux. Je n’ai tout simplement pas donné signe de vie au monde extérieur ce soir-là. J’ai seulement continué à brailler ma vie jusqu’aux petites heures du matin.

Je savais très bien que ce licenciement était temporaire, que je n’étais pas la seule dans cette situation. Mais bon, ce soir-là, celui de ma fête, j’avais l’impression d’être seule prise dans un cauchemar.

anniversaire fête ballon rose chaise videSource image: Unsplash

Les jours suivants, j’ai tranquillement répondu aux multiples appels et messages reçus. Ça aussi c’était un peu pathétique… « Oui, merci, c’est vraiment gentil d’avoir pensé à moi. Merci pour les bons souhaits. Est-ce que j’ai passé une belle journée de fête? Ouin, non, pas vraiment en fait. J’ai perdu ma job! Oui, le jour de ma fête! Oui, je le sais, c’est un licenciement temporaire, je vais ravoir ma job un jour. Je le sais… mais quand même, c’est poche en maudit être licenciée le jour de son anniversaire… »

Ça m’a pris une couple de jours pour m’en remettre, pour relativiser, pour passer en mode action. Et par là je veux dire : inscription au chômage, révision des comptes de dépenses, suspension de certains services non essentiels, budget des prochaines semaines, etc.

Et après ces quelques jours centrés sur moi et sur mes dollars, je me suis tranquillement détachée de mon petit drame personnel. Je me suis bien rendue compte qu’en ce moment, on est tous dans la merde, que le monde entier en fait est dans la merde. Et certains plus que d'autres.

Certaines personnes n’ont pas accès au chômage ni à la prestation d’urgence. Dans certaines familles, les deux parents se retrouvent sans emploi. Certaines femmes et enfants maltraités se retrouvent coincés, sans échappatoire, dans une maison violente. Certains parents doivent travailler de la maison tout en s’occupant de leurs enfants et donc être vraiment bons nul part. Certains enfants éprouvant des difficultés scolaires ne se remettront peut-être jamais de ce manque de scolarité de quelques mois. Certaines personnes seules vivront de réels moments d’angoisse. Certaines personnes déjà en état de détresse psychologique ne réussiront probablement pas à passer à travers cette période. Et, évidemment, des centaines de milliers de personnes à travers le monde sont malades, de la Covid-19 ou d’autres maladies graves. Et des gens meurent.

fin du moinde théâtre the world is closedSource image: Unsplash

Ce jour d’anniversaire et cette perte d’emploi, c’était il y a déjà quatre semaines. Quatre semaines que je viens de passer à la maison, avec mes enfants. Dans mon cas, disponible à 100% pour m’occuper d’eux. Je suis finalement plutôt contente de vivre ce confinement comme ça. Mon mari travaille encore, les finances de la maisonnée se portent encore bien. Je joue énormément. Je dors beaucoup. Je prends le temps de cuisiner. Je fais un tout petit peu l’école à la maison, sans obligation et sans pression. Je nettoie le terrain. Je fais toutes les petites réparations de la maison qui trainent depuis des années. Est-ce que j’ai dit que je joue énormément?

Finalement, après un mois, même s’il y a des jours plus difficiles que d’autres, je fais un bilan plutôt positif de ce confinement. Et je suis partagée entre l’espoir qu’il se termine le plus rapidement possible et l’envie qu’il dure encore un peu.

Je me dis qu’on ne revivra peut-être plus jamais une situation pareille. D’un côté, je l’espère. Une pandémie à l’échelle mondiale, c’est absolument épouvantable. Les conséquences humaines et financières de celle-ci sont à ce jour incalculables, mais elles seront assurément dramatiques. D’un autre côté, ces nombreuses semaines passées avec mes enfants, c’est un moment magnifique que je chéris, dont je profite et que je regretterai sûrement quand il sera terminé.

Je ne sais pas encore quel bilan final je ferai de cette parenthèse dans ma vie quand tout cela sera derrière nous. Mais aujourd’hui, je trouve que « Covid-19, anniversaire et perte d'emploi », c'est un titre pas pire pantoute pour le chapitre 2020 de ma vie.

Et vous, comment le baptiserez-vous, ce moment de votre vie?

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