La pièce Consentement, présentée chez Duceppe jusqu'au 2 février est un oeuvre à voir. La pièce nous entraîne dans le quotidien d'un groupe d'amis avocats qui aborde le sujet du consentement de manière très large. Très accessible, cette pièce nous confronte à notre propre notion de consentement, mais aussi à notre réalité autant qu'à des grands drames sur lesquels on a semblé fermer les yeux.

Je sais que pour plusieurs personnes, le théâtre semble, souvent, un art moins facile d'accès. Ayant étudié en art dramatique au Cégep, j'ai toujours eu un faible pour cette forme d'art qui raconte des histoires souvent ignorées par la télévision ou les films. J'aime autant analyser le jeu des comédiens que les décors ou l'éclairage. Le théâtre est un tout qui me fascine. Toutefois, j'ai souvent du mal à y trainer certains de mes amis. Ainsi, vendredi soir dernier, Marc, mon copain, est venu avec moi chez Duceppe voir Consentement. Il n'est pas un fervent de théâtre et le faisait avant tout pour me faire plaisir. Toutefois, dès les trente premières minutes de la pièce, il se tourne vers moi et chuchote, pendant un changement de scène, «c'est vraiment excellent». Là, j'ai su que cette pièce toucherait de nombreuses personnes et non pas seulement les initiés. Nina Raine, dramaturge britannique, est droit dans le mille avec cette oeuvre créée d'abord à Londres en 2017 et traduite par Fanny Britt pour le Québec. En allant voir Consentement, il faut être prêt à se faire confronter dans ses valeurs puisqu’ici on pose de nombreuses questions, mais on ne quitte pas la salle avec des réponses. C'est une oeuvre dont on continue de débattre une fois que le rideau est tombé. Saisissante pièce écrite avant le début du mouvement #MoiAussi, je ne peux que vous conseiller d'acheter des billets au plus vite!

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Mais ça parle de quoi Consentement?

L'histoire commence en nous présentant Kitty, Jake, Ed et Rachel, quatre amis avocats qui échangent sur leurs dossiers de viol, d'agression et autres. Ils le font en rigolant même si les sujets sont lourds. Entre deux gorgées de vin, on découvre rapidement qu'ils se sentent bien au-dessus de la plèbe, ces gens qui se retrouvent au tribunal, et qu'ils se décrivent comme des gardiens de la loi. Toutefois, plus le spectacle avance, plus leurs vies s'effritent, pour diverses raisons, et plus la ligne entre leur réalité et celle de ceux qu'ils rencontrent en cour est mince. Les amis parlent notamment d'un procès pour viol où les avocats ne sont pas d'accord quant à la notion de ce qu'est un viol au niveau légal. Puis, plus tard dans la pièce, le sujet de viol refait surface, mais cette fois sous la forme de viol conjugal, et là: comment le définir? On traite aussi beaucoup de l'appareil judiciaire: des lois existent, mais permettent-elles d'avoir une réelle justice au sein de notre société? La question demeure. Les quatre amis n'ont pas la même définition d'une agression, d'un viol et d'un viol conjugal. On voit les comparses se confronter et on sera étonné de voir parfois que les opinions des femmes et des hommes ne sont pas nécessairement celles auxquels on s'attendrait. On découvre l'histoire de ces quatre amis entrecoupés du procès où Gayle, un autre des personnages centraux de la pièce, accuse un ami de sa famille de viol le jour de l'enterrement de sa soeur. On voit rapidement comment les amis parlent de ce dossier en ricanant presque, alors que pour elle, c'est le drame de sa vie. Le fossé entre les deux manières d'aborder un même sujet est frappant.

Consentement aborde aussi avec justesse le sujet de l'adultère. Ici, trois couples vivront cette réalité de manière bien différente et avec des issues tout aussi distinctes. On ne peut que se demander comment on réagirait face à de telles situations. Tout au long du spectacle, on s'associe d'un personnage à un autre selon ses réactions. Ici, personne n'est parfait et tout le monde a des secrets et des opinions tranchantes. On est loin d'une oeuvre ou le bien et le mal s'affronte: on joue dans les teintes de gris.

Pour les amateurs de théâtre, la mise en scène de Frédéric Blanchette est intéressante avec des décors de Marie-Renée Bourget Harvey qui se transforment rapidement grâce aux jeux d'éclairages de André Rioux. Les changements de scènes, sous la musique de Mykalle Bielinski, permettent de maintenir la tension.

Chapeau Duceppe!

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