Toute ma vie, j’ai été une « fille à ses parents ». Enfant, mon père était mon héro. Quand ma vision du héros a commencé à désenchanter vers douze ans, ma mère est devenue ma meilleure amie. Pendant toute mon adolescence, je la considérais comme ma bouée de sauvetage, mon bras droit, mon pilier. Mais quand j’ai été au bord de ce fameux précipice, j’ai réalisé qu’elle ne viendrait jamais me tendre cette main que j’attendais. Ce jour-là, je me sentais seule au monde, exactement comme je me suis sentie quand j'ai choisi de partir de chez mes parents.

Vous vous demandez sûrement ce qu’il y a de positif dans tout ça. Moi-même, ça m’a pris du temps avant de m’en rendre compte. Au pire moment de ma vie, ma mère n’était pas là. Parce qu’elle n’arrivait pas à comprendre les troubles de santé mentale, parce qu’elle souffrait de me voir dans cette situation et pour plein d’autres raisons. Et pour ça, je lui en voudrai toujours. 

Mais je ne peux pas oublier toutes ces fois où elle a cogné à ma porte avec insistance, inquiète de ce que je traversais. Ces fois où elle débarquait dans ma chambre pour parler pendant des heures et que je finissais par vider mon sac, accablée par la vie. Je ne peux pas oublier les soupes préparées pour me réconforter, les larmes qu’on a versées, les soirées passées devant des films d’amour à se raconter nos vies. Dans la plupart des moments difficiles, je savais que ma meilleure amie était juste à côté, derrière la porte. 

Mère et fille

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Partir de la maison, c’est une des choses les plus difficiles que j’ai faites. Me dire que je devrais dorénavant compter sur moi-même, me faire confiance dans mes choix et mes décisions. Apprendre à vivre seule, aimer ma propre compagnie. Ne pas laisser mes démons m’envahir une fois les lumières de ma chambre fermées. Je mentirais si je disais que ça n’a pas été difficile. Déménager en temps de pandémie a affecté ma santé mentale que je tentais de préserver depuis ma dépression il y a quatre ans. 

Mais j’y suis arrivée. Je me rends compte que je n’avais jamais vraiment été seule avant. Si je m’isolais, il y avait toujours d’autres gens près de moi. À la bibliothèque, dans un parc ou juste dans ma chambre. Mais seule dans un appartement, c’est différent. Tu n’as pas d’autres choix que d’apprivoiser ta solitude, un geste à la fois. 

Partir de chez mes parents est la meilleure décision que j’ai prise, parce que ça m’a forgé en tant que moi. Ça m’a permis d’apprendre à me connaître sans influences extérieures. Qu’est-ce que j’aime manger, moi ? Est-ce que je préfère les bains ou les douches ? J'aime me coucher tôt ou tard ? Est-ce que je feel plus Netflix ou un roman ? Des petits rappels du quotidien qui contribuent à te développer en tant que personne et à t’affirmer. 

Écrire journal

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En vivant isolée du reste du monde et de mes amis, parce qu’ils étaient à 250 km de moi, j’ai pu développer mes habiletés relationnelles. J’ai créé de nouvelles amitiés et certaines d’entre elles se sont brisées. Ça arrive. Alors j’ai dû me gérer, essayer de m’en sortir. Ça m’a encore permis d’en apprendre plus sur moi-même. 

Et moi qui n'ai jamais été en couple ni embrasser personne, moi qui ai toujours fui les hommes comme la peste, j’ai commencé à flirter. Innocemment d’abord, puis intéressée ensuite. J’ai appris à connaître mes désirs et mes envies mieux que jamais. Et je l’ai fait seule.

Partir de chez mes parents, ça m’a responsabilisé. Ça m'a rendu plus indépendante. Ça m’a ouvert sur le monde et ça m’a permis de faire de nouvelles rencontres. J’ai quitté le foyer familial il y a un an déjà, et j’ai l’impression d’avoir changé davantage que les dix dernières années. J’aime la personne que je deviens, et ce ne serait peut-être jamais arrivé si j’étais restée dans les mêmes habitudes. Alors j’ai seulement un conseil : franchis le pas. Mouille-toi. Oui, tu vas vivre des moments d’angoisses, de doutes. Mais tu vas aussi apprendre à t’aimer, toi, au complet. Tu vas comprendre que t’es ta propre meilleure amie, ta meilleure compagnie. Et il n’y a rien de mieux que se sentir bien chez soi, crois-moi.

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