Je ne sais pas si vous avez déjà visionné le film animé Kirikou et la sorcière. L’action de déroule dans un village en Afrique. Les femmes y sont dépeintes comme de véritables forces de la nature. Mais il se cache des secrets, dont la sorcière qui fait peur aux habitants du village. Seul, le minuscule garçon Kirikou réussit à vaincre la sorcière, en lui donnant beaucoup d’amour.

Je dois avouer. J’ai eu comme modèles beaucoup, mais beaucoup, de femmes noires fortes. Commençant par ma mère. 

femmes fortes noires famille supportSource image: Unsplash

Elle est arrivée enceinte, à 24 ans,  au Canada, dans un pays qu’elle ne connaît pas, sans mon père. Je n’avais qu’un an et demi et ni mes pleurs, ni ceux de ma sœur, née quelques mois plus tard, ni ses pleurs à elle, après une séparation et une mère et une sœur malades, l’ont empêchée de poursuivre ses rêves, soit celui de nous offrir une vie meilleure. Ma mère avait perdu ses repères.

Puis, il y a eu Sœur Fifi, l’amie de ma grand-mère. Elles étaient inséparables les dimanches à l’église. Cette femme religieuse au grand cœur m’a offert ma première paire de souliers. Ils étaient blancs et vernis. Sœur Fifi a commencé à travailler dans le milieu de la santé; matin, midi, soir. Au point de ne jamais se rendre compte des premiers signes de maladie mentale de sa fille. Plus son absence dans les corridors blancs de l’hôpital se faisait grande, plus sa fille plongeait dans le noir. Sœur Fifi a perdu l’équilibre.

Il y a aussi une tante lointaine, qui a su que son mari était pédophile… Je ne l’ai su que lorsque j’avais 20 ans. Elle en a bavé. Des plaintes de jeunes filles ont commencé à courir dans le voisinage. La police recherchait mon oncle. Il n’a finalement jamais fait de prison. Le divorce a été prononcé. Ma tatie a perdu la foi.

Il y a une autre tante plus proche. Ma tante nous a toujours caché la maladie de mon cousin. Il était toujours à l’hôpital. Il n’avait pas le droit de jouer avec nous, ni même de manger avec nous. Il avait toujours des traitements spéciaux. À 19 ans, j’ai perdu mon cousin du SIDA, contracté par du sang contaminé, à l’époque en Haïti. Il n’était qu’un enfant lorsqu’il a été diagnostiqué. Il est décédé, au printemps de sa vie. Ma tante a perdu son fils.

Oh, je dois parler de ma marraine. Violée à l’adolescence. Enceinte de ses prédateurs. Mais elle a continué à prier…et à rager contre les hommes. Ma marraine a perdu toute son innocence.

Finalement, il y a eu ma tante, la sœur de ma mère. Elle est décédée du cancer du sein à l’âge de 33 ans. Laissant derrière elle, trois enfants en bas âge. Je n’avais que 3 ans lorsqu’elle est décédée. J’ai tellement posé de questions à ma mère. Avant sa mort, j’ai su qu’elle avait immigré aux États-Unis et qu’elle travaillait au Yankee Stadium à New York, à 3 ou 4 dollars de l’heure, derrière le comptoir à hot-dog, pour faire parvenir des biens à ses enfants. Ma tante a perdu la vie.

femmes groupe fortes fièresSource image: Unsplash

Ces femmes. Ces histoires. Je suis certaine que vous en connaissez par centaines, des femmes comme celles-ci.

Si je vous révèle et raconte tout ceci, c’est que les femmes noires qui m’ont entourée ont toutes fait face à la réelle adversité, mais sans jamais demander d’aide.

Aujourd’hui, avec une prise de conscience et un peu de maturité, j’ai su que les épreuves perturbent la santé mentale. Lorsque ça n’allait pas, j’ai demandé de l’aide.

L’image de la femme noire inébranlable, capable d’élever seule une marmaille de six enfants, tout en occupant un poste important, sans jamais se plaindre…oh oui, ça existe. 

Dans mon village, nous sommes toutes des sorcières aux super pouvoirs, mais qui n’attendent que l’amour de Kirikou.

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