Je parle rarement de mes années de primaire et de secondaire sur le blogue. J'ai pensé tenter d'aborder le tout puisque j'ai envie d'ouvrir la conversation et surtout, je me dis que si cela peut aider certains jeunes qui vivent cette situation, alors j'aurai fait un petit pas avec eux.

Depuis quelques jours, avec le retour en classe des enfants, je vois circuler sur les réseaux sociaux de nombreuses images qui invitent les jeunes à se rappeler que si un de leurs camarades de classe se fait ridiculiser par la masse ou semble seul de lui tendre la main. En voyant cela, j'espère toujours que ça changera quelque chose pour certains jeunes. J'ai été cette petite fille à une autre époque de ma vie. C'est étrange d'en parler maintenant dans la trentaine. Ma mémoire étant bien faite, j'oublie plus vite certains épisodes de ma vie ou des moments comme ceux-là pour me souvenir du beau. Comme si mon cerveau choisissait le bonheur et rejetait le reste. Tant mieux. Mais malgré tout, je me souviens de certains sentiments et de moments-clé. Comme l'a si bien dit une de mes amies d'enfance dernièrement: «je recherchais à ne pas me conformer». En effet, dès mon jeune âge, je ne ressentais pas le besoin de me fondre dans la masse. Alors que les enfants veulent souvent tous avoir des vêtements semblables ou ne pas trop se faire remarquer, déjà petite je choisissais plutôt selon mes goûts (et certains étaient moins beaux que d'autres, je le remarque aujourd'hui). Ainsi, dès le primaire, je m'affirmais et je ne recherchais pas à ressembler aux autres. Une chose que je voulais, par contre, c'était avoir des amis. J'ai toujours aimé rencontrer les gens, échanger avec eux, démarrer des projets, jouer, etc. Je voulais faire partie de la bande. Mais je ne collais pas toujours. Est-ce tout à fait la faute de certains des enfants plus charismatiques et leaders de m'avoir rejetée? Je ne pense pas. Je pense que c'est une dynamique qui s'est installée et que chacun a eu son rôle. J'ai eu le rôle de celle qui ne serait pas avec les populaires. Et jusque là, ça va. Par contre, je ne voulais pas non plus être avec des gens pour être avec des gens. Je préférais donc parfois juste ne pas être avec des personnes qui ne m'intéressaient pas que de le faire pour combler un vide. Je n'étais pas seule, non, j'avais des amis. Mais pas tant que cela à l'école. J'en avais plus à l'extérieur de cet endroit qui, parfois, me faisait peur. Et, en rétrospective, je peux voir que cette époque m'a créé de mauvais réflexes. Je me suis mise à me protéger de peur d'être blessée. Je me souviens encore de moments où j'essayais tant de plaire et où le rejet faisait mal. Parce que ce que je faisais était contre nature et les autres enfants le voyaient sûrement aussi. Je me souviens de moments où je rentrais à la maison en pleurant et en me maudissant de ne pas avoir su quoi dire au bon moment.

J'ai eu des parents à l'écoute sans devenir gagas. Ils m'ont proposé des solutions et m'ont parlé de ce que moi je pouvais changer avant de mettre toute la faute sur les autres enfants. Et ils sont intervenus quand, en 5e année, c'était allé trop loin pour moi et un groupe de jeunes qui nous faisions sans cesse ridiculiser. J'ai un vague souvenir de ce moment. Ma mère saurait en dire plus, mais je n'en ai pas trop reparlé avec elle. Sur le coup, je me souviens que j'avais honte, mais je sais maintenant qu'elle a pris la bonne décision avant que tout ne dégénère.

Longtemps, en rencontrant des gens, je dis à mes amis «je sais, je suis parfois bizarre au début». C'est un mécanisme de défense venu sans aucun doute de ces années-là. Un mécanisme de défense pour me donner deux chances. Parce que je m'étais longtemps mise en tête que j'étais le problème.

Je n'étais pas le problème, ni les autres enfants. C'est le système et le manque d'encadrement qui l'était. Nous étions trop jeunes. Rien n'est blanc ou noir. Il n'y a ni méchants ni gentils, juste des enfants qui se créent une petite société sans avoir la maturité de tout comprendre. Je ne regrette aucun moment de mon enfance, de mon adolescence ou de ma vie. Je n'en veux à aucun autre enfant, ni à moi-même: nous étions trop jeunes. Je ne porte pas de blâme, nous étions sous-informés et parfois moins bien encadrés par rapport à ce qu'est l'intimidation.

Je ne veux pas que ce texte sonne comme celui d'une victime. J'ai eu une enfance heureuse avec des amis (plus hors de l'école qu'à l'école), des activités et une famille aimante. J'étais une petite fille pleine de vie.

Je me souviens, par contre, d'un moment, à 14 ans, où je trouvais que c'était trop. Je pleurais à me demander pourquoi je n'arrivais pas à être comme tout le monde. Vous vous souvenez de cette amie d'enfance que je cite au début de l'article? Elle m'avait dit qu'un jour je serais heureuse d'être différente parce que les gens comme cela vont loin dans la vie (c'était dans d'autres mots, mais l'idée est là). Cette amie, elle ne le sait pas, mais cette petite pensée est restée gravée en moi. Je me suis dit que ce qui faisait que je n'arrivais pas à être dans le moule serait mon super pouvoir.

32 ans. Je ne suis pas une fille de gang. Encore aujourd'hui. J'ai des gangs d'amis, qui se sont créés avec le temps. Je vois plusieurs amis ensemble. Mais je demeure une fille qui a des amis à droite à gauche et qui choisit ces derniers avec soin. J'entretiens ces amitiés parce que j'y tiens. Et je suis heureuse. Et bien entourée.

Si tu es un jeune qui lit ceci, ça ira mieux. En tout cas, ça a fonctionné pour moi. Changer pour plaire ne donnera rien. Mes amis d'aujourd'hui, ils m'aiment pour qui je suis. Et les années que j'ai passées à être rejet (je déteste écrire ce mot) m'ont forgée. Je ne le souhaite à personne, mais maintenant, je crois sans l'ombre d'un doute qu'elles m'ont rendue plus à l'écoute, plus empathique et plus fonceuse. La vie sert à devenir une meilleure personne, non?

Ci-bas, une photo de ma soeur et moi, enfants, avant que je n'entre à l'école, quand tout était encore facile et que je ne savais pas encore ce qui m'attendait.

camille dg joelle dg enfants tendre la main

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