Tu jouais à un de tes jeux vidéo préféré. Moi je lisais mon livre. Chacun plongé dans son monde imaginaire, on en sortait parfois le temps de se lancer des regards remplis de tendresse. À d’autres moments, je te regardais à ton insu. J’observais les traits de ton visage, concentré à accomplir je ne sais quelle tâche dans ton jeu. Je trouvais ça charmant. 

J’ose espérer que tu m’as aussi admirée en secret. 

Ces soirées, je donnerais tout pour pouvoir les revivre avec toi, une dernière fois. Le vent chaud d’été entrait par la fenêtre du salon. Des ombres dansaient sur les murs, signe que le soleil était presque couché. L’air sentait bon le souper que tu avais cuisiné un peu plus tôt. J’avais lavé la vaisselle pour te remercier. On n’avait pas besoin de se casser la tête pour ça. Chacun faisait ce dans quoi il était le meilleur, et la vie était bien ainsi. Ces soirées d’été, après un petit verre, on se racontait nos histoires et on écrivait la nôtre en même temps. On était jeunes et la vie nous paraissait facile. L’amour irradiait encore entre nous deux, à cette époque. On s’aimait pour vrai. Et une fois dans la chambre, tes yeux valsaient sur mon corps comme si c’était la première fois que tu me voyais. Je me sentais aimée et désirée comme jamais je ne l’avais été. Tant que l’on était là l’un pour l’autre, rien ne pourrait éteindre cette flamme qui nous unissait. 

Mais un jour, ma petite flamme intérieure a commencé à s’affaiblir. Et la tienne ne pouvait pas briller pour deux.

C’est pourquoi j’ai décidé de partir. 

Afin de trouver un moyen de raviver ma flamme. Pour qu’à deux, on puisse un jour recommencer à s’éclairer. Pour que je puisse t’éclairer, et moi aussi, par la même occasion. Sans que ce soit toujours à toi de ramener la lumière dans ma vie. 

Je m’ennuie terriblement de nous deux. 

De ces soirées d’été, à nourrir les goélands dans le parc. Ces soirées où tu chantais à tue-tête des chansons quétaines qui passaient à la radio. Ces soirées où tu m’amenais prendre une slush au dépanneur du coin et où tu me surveillais pour que je ne me gèle pas le cerveau. « Une vraie enfant », que tu me disais. Je faisais semblant de me fâcher, mais au fond de moi je trouvais ça comique. Ces soirées où tu prenais ma main dans la tienne sans rien dire. Parce que tout était dit. Ces soirées où, blottie contre ton corps, je ne voulais être nulle part ailleurs. Ces soirées où tes lèvres frôlaient les miennes dans le noir de la chambre à coucher. Ces soirées où on se racontait nos plus grandes peines et nos plus grandes joies, sans jugement. Ces soirées où l’on a appris à se connaitre l’un l’autre mieux que personne d’autre ne l’avait fait avec nous avant. 

J’ai réalisé que les moments qui me manquent le plus avec toi sont les petits moments anodins du quotidien. Ce sont des moments qui ne m’ont pas marquée sur le coup, mais c’est maintenant que je t’ai perdu que je me rends compte à quel point ces instants étaient précieux. Et qu’ils me manquent. 

Quand on s’est revus, récemment, tu m’as dit que maintenant, tu mangeais tes pommes comme je le faisais avant. Je t’ai regardé, les yeux interrogateurs. Je ne pensais pas que tu m’avais observée manger des pommes assez souvent pour t’en souvenir. Mais il semblerait bien que tu me regardais à mon insu, toi aussi. Et ça m’a réconfortée de me rendre à cette évidence. 

Tu m’aimais. Et tu m’aimes encore, d’ailleurs. 
Moi aussi, je t’aime encore. Mais j’ai besoin de temps pour raviver ma petite flamme intérieure. 
On va se revoir. Je te le garantis. Laisse-moi juste trouver des allumettes.
Image de couverture via Pixabay
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