Je ne me souviens pas exactement du jour où ce creux s’est formé en moi. Mes parents se sont séparés quand j’étais très jeune et je n’ai pas eu tellement conscience du moment où ça s’est produit. Cependant, je sais que c’est à ce moment que ma mère devait partir travailler la nuit et qu’on restait avec ma grand-mère durant ce temps. Je sais aussi qu’à ce moment-là, elle était très fatiguée et qu’avec le temps, le stress s’est installé dans sa routine. Notre relation avec ma sœur et elle s’est un peu dégradée. Je pense que je me demandais toujours si elle allait partir elle aussi. Je me demandais lorsque j’allais la décevoir par des actes vraiment pas gentils, si elle allait partir et me laisser me débrouiller. Cependant, peu importe à quel point je pouvais être mesquine, elle n’est jamais partie. Elle n’était pas parfaite, on a eu une carence affective par manque de temps, mais je sais qu’elle aurait fait n’importe quoi pour nous. De là, j’observais les couples de mon entourage et je venais à la conclusion que tout finissait par se terminer, alors à quoi bon s’attacher?

J’ai côtoyé la mort plusieurs fois. Une amie à moi est décédée lorsque j’étais en sixième année et j’ai tellement eu mal. J’avais l’impression que quelqu’un avait saisi un couteau et l’avait enfoncé dans une plaie ouverte : mon schéma. De savoir que tout pouvait arrêter en un instant, que rien n’était là pour toujours m’a effrayé. J’avais besoin d’être aimée et j’étais prête à tout pour l’être. Avec mes amies, c’était important pour moi qu’elles m’aiment tout le temps. Je devais donc être parfaite en quelque sorte. De cette façon, jamais elles ne me quitteraient. Le poignard qui s’était enfoncé en moi au primaire refit surface au secondaire. Je devais être constamment confrontée à des chicanes de filles et des gangs, genre un jour on est amies, l’autre on est ennemies. Le stress que cela m’occasionnait était immense et j'essayais de comprendre ce que je faisais de mal, alors que c’était seulement circonstanciel et mené par un trop plein d’hormones.

fleur seule dans un champ Source image: Unsplash

J’ai eu mon premier amour aussi au secondaire. Un garçon qui m’a trompée à plusieurs reprises et il me faisait sentir toujours comme si je n’étais pas suffisante, comme si tous mes efforts n'étaient pas assez. Mon schéma était tellement fort que je perdais la carte. Je ne voulais pas perdre mon premier amour et ce, même si j’en venais à perdre ma propre essence. Je ne voulais pas échouer. Je voulais croire que certaines choses peuvent durer si on travaille fort pour les entretenir. Puis, notre relation s'est terminée. Et mon univers s’est écroulé.

J’ai perdu ma personnalité à travers cette relation. Mon cœur s’est transformé en pierre et je me suis promise de ne pas me laisser aimer de nouveau et de ne pas aimer non plus. J’allais être la fille qui ne se casse pas la tête et qui accepte l’attention de celui qui veut bien lui en donner. J’allais chercher l’attention, le désir des gens et la passion où bon me semblait et je remplissais le vide en moi de cette façon. J’avais mal, j’étais blessée et je refusais qu’on me sorte de cette zone de mal-être là.

bâtiment abandonné Source image: Unsplash

Un jour, j’ai rencontré mon chum après des séances de psychologie que j'avais suivies pour comprendre ce schéma et enfin le régler. Encore aujourd’hui, je suis toujours sur le bouton panique lorsqu'il est plus fatigué, je vois le début de la fin. Lorsque nous avons eu notre fille et que les gens me disaient que cela allait changer notre relation, j’ai eu la peur de ma vie et j’ai eu peur qu’il parte si je n’étais pas assez à l’écoute ou si je lui parlais bête. Mon chum est resté zen et calme avec moi et je ne peux compter le nombre de fois qu’il m’a rassurée. J’ai perdu la capacité de m’attacher et j’ai toujours ce combat en moi. Quand mon chum est distant, je suis portée à me refermer sur moi-même et à me préparer au pire alors qu’il est juste en train de penser à sa prochaine chasse (aux canards et non aux filles).

Le schéma d’abandon, c’est la peur constante de finir par se faire abandonner, c’est la peur que tout finit par se terminer et c’est aussi la peur de souffrir. Parce que ça fait mal de se faire laisser, de se sentir trahie et seule. Heureusement, avec de l’aide, c’est possible d’en guérir et de savoir reconnaître les situations qui sont irréelles et de se rappeler qu’on a du pouvoir sur la situation et qu’on peut demander de l’aide.

femme dans une fenêtre abandonnéeSource image: Unsplash
Source image de couverture: Unsplash
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