Ani & moi on était faits pour être amis. On est nés le même jour, mais dans deux villes différentes, juste question de pas nous rendre la vie trop facile trop de bonheur. On nous a accueillis dans le monde en nous envoyant faire une chasse au trésor qui a durée vingt ans pour nous retrouver. Depuis qu’on s’est liés d’amitié, on ne s’est jamais lâchés. Ce n’est pas mêlant, on s’aime tellement que Netflix pourrait faire une production maison sur nous, un autre film cute avec Noah Centineo puis plein de hashtag friendship goals.

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À chaque année à notre fête, on se retrouve et on écoute du Muse, couchés sous des tonnes de couvertures avec une bouteille de vin de dép, juste pour se réveiller le lendemain matin et évaluer si l’année de plus rend vraiment notre hangoverplus déplaisant que le jour d’avant.

Ce soir, c’est le dernier soir du jour d’avant de cette année. Demain, j’aurai une chandelle de plus à souffler. En attendant, je souffle sur autre chose. Je souffle au point de m’époumoner, mais je m’essouffle sur quelque chose qui s’éteint pas. J’essaye d’éteindre mon malaise de vieillir encore dans un monde qui me convient pas, mais dans lequel je ne fais pas grand-chose pour mieux m’intégrer. Je suis la seule qu’il faut blâmer, j’sais.

Ani rentre chez nous avec un litre du  kangourou, une bouteille de rouge qui va me rendre les dents bleues et mon réflexe c’est de penser que vais avoir besoin d’un blanchiment de dents, même pas au fun que je vais avoir en la buvant. Voyons, vieillir c’est éreintant.

Mon ami me trouve songeuse et son sourire approuvé par les dentistes se refroidit. On aurait dit Michael Scott qui aurait croisé Toby. «Es-tu sur le point de gâcher notre fête avec tes millions de remises en questions Mélanie Rodi?» Quand il dit mon nom complet, c’est rarement pour être cocasse. «Calme-toi Ani, c’est juste du vin à dix piasses.»

Je suis assise dans le salon en train de trier mes pochettes de CD. Cette année, Ani et moi on était rendus à écouter Black Holes and Revelations (on change chaque année), mais je sens qu’on va devoir sauter par dessus parce que je n’ai aucune idée de où j’ai pu le ranger. Je suis tannée de mon désordre, je ne m’y retrouve plus.

Ani voit bien que j’ai besoin de faire le vide, fait qu’il me remplit une coupe, puis moi je lui vide mon sac.

Je suis propriétaire de deux tabliers. Deux teintes de vert, mais ils venaient en paires. Ça me parait clair que je n'ai pas assez d’un corps pour tous les porter. D’autant plus que je ne cuisine jamais en les portant. Je n’ai pas l’air clim, il fait trop chaud dedans.

 C’est notre fête dans une heure et je fixe mes deux tabliers en me disant que je n’ai pas envie de commencer mon nouvel an avec autant de distractions inutiles. Je n’ai pas besoin du deuxième tablier. Encore moins du premier. Je ferais bien mieux de les donner.

Je me pars une pile « d’inutileries » qui ne me servent plus. J’ai une bibliothèque remplie de livres jamais lus, des dizaines de rouges à lèvres alors que je porte toujours le même. J’ai un sac de sacs; Un sac pour ranger des sacs dans lesquels je prévoyais sans doute trainer mes traineries encore plus longtemps. J’ai des tonnes de DVDs, mais pas de lecteur, parce que c’est Netflix la folie de l’heure. Dans ma chambre, j’ai un lit queen et un divan, mais j’suis seule à dormir dedans. J’ai deux miroirs pour visiblement regarder les reflets plus en vogue que le réel à l’air actuel.

Ma pile de dons ressemble rapidement à la tour de Pise et ma pile d’essentiels s’avère étrangement plus petite que ce que me raconte Instagram. Docteur, suis-je normale ? Ma fête approche et plus je vide, plus je me remplis. Ça doit être la sagesse du coup de minuit.

Je me retrouve à donner à peu près tout, mais j’me sens comblée tout d’un coup. «Less is more»après tout. À moins que ce soit mes quelques verres du kangourou.

Bref, j’ai un tablier à vendre ou à donner.

Source image de couverture : Unsplash

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