Nous sommes en mai. Les bourgeons commencent à fleurir, les oiseaux à chanter et une année est terminée. Nous sommes en mai et j’ai le cœur serré. J’ai le cœur serré parce que, dans un mois, mon secondaire sera terminé et que, dans trois mois, le cégep sera commencé. Peut-être que je suis nostalgique, mais j’aime penser que c’est normal. Après tout, c’est un gros bout de ma vie, le secondaire, l’adolescence.

C’est à l’école secondaire que j’ai rencontré mes ami.es, de merveilleuses personnes avec qui je m’amuse et me confie. C’est aussi là que je suis devenu mature, que j’ai rencontré ces adultes qui ont changé ma vie, mon mode de pensée et qui m’ont transmis leurs valeurs. J’ai appris à être ponctuelle, respectueuse et studieuse. À faire la différence entre apprendre et vouloir apprendre. J’ai vu ce mur de préjugés qui sépare les « cools » des « rejets ». J’ai réalisé que les enfants sont méchants, mais qu’il vient un temps où les différences n’ont plus d’importance. J’ai appris à aimer quelque chose en chaque personne autour de moi, même de la fille qui me traitait de salope. J’ai appris à ne pas avoir peur du ridicule. Je me suis découverte, j’ai échoué et j’ai réussi. Je me suis fait sortir de classe un nombre incalculable de fois, mais j’ai entendu les éloges de mes professeur.es à mon sujet. J’ai appris que, même lorsqu'on se sent seul, on ne l’est pas.

J’ai appris la définition du mot « retard » par cœur à force de l’écrire.

Il y a quelques heures à peine, je revenais de mon voyage de finissant.es, organisé par l’école. Plus de la moitié des finissant.es y étaient. Le temps d’une semaine, les préjugés et la pression de bien paraître sont disparus. Le temps d’une semaine, nous avons ris et appris à nous connaître. Nous nous sommes amusé.es, et avons relâché l’enfant qui sommeille en nous. Nous avons chanté des comptines, dansé, crié, marché.

J’aimerais revivre ce moment encore et encore. Heureusement que c’est impossible, car cela enlèverait toute la magie de ce moment. Cette semaine-là, j’ai été insouciante et je me suis sentie libre. Maintenant que je suis revenue chez moi, je dois reprendre ma vie. Cette semaine n’est plus cette semaine. Demain est un autre jour. Cette semaine, j’ai des examens et je dois payer mon inscription à Limoilou. Dans un mois, je commencerai à travailler pour me payer ce que j’aime. Aucun congé.

Mon secondaire se termine et je me sens piégée. J’aimerais vivre pleinement et continuer d’apprendre. J’aimerais laisser les mauvais côtés du secondaire derrière moi et regarder droit devant. Parce que, pour bon nombre d’adolescent.es, le secondaire n’a pas été que des rires et des sourires. Non, le secondaire, c’est aussi d’apprendre à se connaître. C’est l’intimidation, la déception, l’échec, les combats, la frustration, l’exclusion. C’est un tourbillon d’émotions.

école secondaire auditoriumSource image : Unsplash

J’aurais aimé que quelqu’un me prévienne quand j’ai mis les pieds à l’école secondaire. Qu’il me dise que j’aurai mal parfois, même très mal. Que je vais échouer pour mieux réussir. Que les enfants sont méchants, mais que ce n’est pas permanent. J’aurais aimé qu’il me parle de moi, de ma santé et de ma personnalité. J’aurais aimé qu’il me dise de me préparer d’avance à devenir adulte. C’est bien beau les conférences sur l’intimidation, sauf que je n’en vois plus des tonnes. Comme moi, de nombreux jeunes se cherchent au secondaire. De plus en plus de jeunes développent des troubles de santé suite au manque d’aide et de prévention. J’aurais aimé qu’on me parle de la dépression, des TOCS et des troubles alimentaires avant que j’y arrive.

L’année s’achève, pis je ne peux pas m’empêcher de repenser à tous ces moments vécus au secondaire et qui resteront en moi jusqu’à ma mort. Mes premiers amis, mon premier coup de coeur, ma première sortie de classe, les anniversaires, les rires, les pleurs et les conneries que font les adolescents. Dans moins d’un mois, ces cinq dernières années ne seront que présentes dans ma mémoire. Plusieurs de mes amis arrêteront d’appeler. Certaines filles de ma classe tomberont enceinte d’ici cinq ans. D’autres voyageront et la plupart travailleront. J’aimerais pouvoir mettre pause l’espace d’un instant, question de capturer mes meilleurs moments et de ne jamais les oublier. Ces ami.es et ces professeur.es sont ce qui me définit aujourd’hui. Si je ne les avais pas, ce ne serait pas moi que vous lirez en ce moment, mais bien une Audrey différente.

Les choix que l’on fait durant notre adolescence importent. Certains me rendent fière et d’autres non. Je vois tous ces élèves abandonner l’école trop vite, grandir trop vite. Profitez de chaque moment. Votre adolescence, vous la vivez qu’une seule fois : maintenant.

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