C’était l’été.  Dehors, il faisait au moins mille et à l’intérieur deux-mille, et moi, quand il fait chaud, mes cuisses ont tendance à s’entretuer mutuellement à coup de frottements désagréables causés par l’humidité, m’empêchant chaque jour de profiter pleinement des plaisirs quotidiens que l’été a à m’offrir.  Comme moyen de défense, j’utilise donc une gaine : ce magnifique sous-vêtement si irrésistible qu’il peut faire fondre les cœurs à lui seul, garni d’un tissu extensible de  couleur beige à en faire craquer les plus sceptiques. J’avais un rendez-vous au garage cette journée-là et, pour la première fois depuis que j’y allais, je venais de remarquer qu’il était beau le mécanicien qui changeait mes pneus à clous et qui faisait mon changement d’huile (faut dire qu’on se voit juste à tous les 5000 kilomètres). Son visage s’illuminait à travers la lumière du soleil de juillet et je ne comprenais pas pourquoi, après toutes mes visites d’auparavant, je n'avais jamais remarqué à quel point il avait un beau sourire constitué de dents parfaitement droites et blanches.

Je me trouvais un peu conne d’avoir manqué sa face jusqu’à maintenant, mais après mûres réflexions et longs questionnements, j’ai compris que c’était normal, parce que toutes les fois précédentes, je restais dans l’auto pour être surélevée dans les airs avec la machine. C’est cave, je sais, mais quand je le fais, je me sens comme le petit roux dans Harry Potter quand il conduit le char bleu qui vole (si tu ne comprends pas ma comparaison de feu, c’est probablement parce que t’es un moldu pis que t’as pas de goût). C'est donc assise dans ses marches en train de l’examiner travailler que j’ai décidé que je voulais avoir des relations sexuelles consentantes avec lui pis son corps, et même aussi ses mains crottées de noir pis son odeur de Castrol 5-30. Je me suis levée et je lui ai demandé ce qu’il faisait après, pleine de motivation dans les yeux.  Il m’a dit qu’il était libre, puis je lui ai proposé d’aller boire un verre au pub à côté.

Y’a dit oui.

Merci à mes yeux pleins de motivation. Je me voyais déjà mariée, entourée de nos petits bébés crasseux imbibés de prestone qui courent partout dans notre maison-garage, entourée d’une clôture de pneus pis d’une cour à scrap en arrière, tout près de mon petit jardin full de biologique comme celui près de chez nous. C’est toujours beau dans ma tête… Jusqu’à tant que je m’aperçoive qu’il avait fini et qu’il me regardait, en attendant que je sorte de mon monde imaginaire.

«Tu pensais à quoi pour être dans la lune de même?»

Je pensais à notre futur ensemble, toi, moi, pis nos enfants, qu’est-ce que tu penses ?

«Ah, c’est drôle, je pensais à…euh...Je me demandais c’était quoi la chose le plus dégueulasse que t’as déjà trouvée dans la voiture d’un de tes clients ?»

« C’était une cliente pis c’était un tampon usagé.»

«Intéressant.»

«J’ai presque vomi.»

Une chance qu'il a jamais vu la poubelle pleine de la salle de bain dans l’appartement que je partageais avec trois filles.  Il en aurait vomi une maudite shot, surtout si son premier réflexe avait été de le faire dans la dite poubelle en question.

«Bon, on y va ? On prend ton char, c’est bon? »

«Pourquoi? T’as des tampons usagés en dessous du siège, toi aussi? Ah! Ah! Ah! Les filles pis leur bordel de char. »

C’est vrai que mon char, c’est une dump, mais j’ai pas de vieux tampons qui sèchent en quelque part.  C’est juste que je préfère m’abstenir de l’embarquer dans ma trash-mobile parce que je pense pas qu’il est mentalement prêt à vivre l’expérience d’un All-you-can-eat passé-date pis d’un vide-grenier sur quatre roues dans la Yaris de ses cauchemars. En plus, à ce qu'il parait, c’est une « affaire de filles », les voitures en bordel, qu’il dit.  Je trouve ça complètement sexiste.  Je suis sûre qu'il y a autant d’hommes que de femmes qui veulent pu partir leur chauffage l’hiver, parce qu’un jour, y'ont pognés les nerfs après Google Maps pis y’ont garroché leur latté dans le dash, pis depuis ce temps-là, ça sent-la-marde quand ils veulent se réchauffer à -40.  Et je suis persuadée que ça fait aussi crunch pour eux quand ils s’assoient sur leur siège parce que, des fois le matin, ils épluchent des œufs à la coque parce qu'ils ont pas le temps de déjeuner, en reversant les écailles partout parce qu’ils doivent conduire en fast and furious pour arriver à l’heure à l’école.  Ou bien que la place réservée pour les pieds du côté passager est shit load de vieux gobelets vides du temps des offres promotionnelles des cafés gratuits au McDo. COMME MOI. Mais sur le coup, j’ai rien répondu pour m’obstiner parce que je le trouvais beau pis que moi, je deviens molle dans ce temps-là.

Deux pintes plus tard, en revenant du pub, il s’est mis à m’embrasser vraiment fort avec sa bouche qui goûtait la blonde en fût dans son char propre à l’entrée de son garage.  Je me suis mise à mon tour à l’embrasser naïvement, ne me doutant pas de la suite des événements... Après une bonne demi-heure à se lécher le bout de la langue comme des adolescents, je me suis dit que, peut-être que ça va se passer à soir t’sais, dans son garage, dans son char, en face de son poster de fille en bikini trop petit pour elle, comme dans les films romantiques… Ou pas. Et c’est à cet instant précis que j’ai oublié un léger détail discret que je portais sur moi : ma gaine de l’enfer. Fallait que je l’enlève au plus vite si je voulais compétitionner avec la guidoune du poster pis avoir un jour des bébés qui sauront faire la différence entre le trou pour le lave-glace pis celui de l'huile à moteur.  En plus y’a rien de plus turn off qu’une bobette géante beige. BEIGE. Au deuxième rendez-vous, c’est correct, mais le premier?  NO WAY.

«Laisse-moi deux secondes, je vais aller aux toilettes.»

Je me dépêche pour m’embarrer dans sa salle de bain (je voulais pas non plus qu'il pense que je faisais caca) et enlever la chose rapidement, pisser (tant qu’à être là), me laver les mains pis sortir, comme si de rien n'était. Au moment où, déterminée et confiante, prête à lui faire mon numéro de femme fatale (well...), deux de ses amis débarquent les mains pleines de morceaux d’autos. Fuck, partez! Meilleure chance la prochaine fois. J’ai donc décidé de partir, on s’est échangé nos numéros, pis je lui ai dit bye.

Voilà, fin.

Et bien non. Si seulement.

Arrivée chez moi, je me suis rendue compte de deux choses : tout d’abord, les douleurs dans le bas du ventre que je ressentais pendant que je l’embrassais n’étaient PAS des papillons de l’amour armés de chainsaws pour faire des petites blagues à mon bedon, mais nulle autre que Mère Nature qui s’était pointée la face trois jours avant la date encerclée en rouge sur mon calendrier. Vive les menstruations. C’est tellement le fun, écrire ce mot-là. Menstruations. Menstruations. Menstruations. Bref. Et la deuxième chose, et non la moindre : j’ai oublié ma gaine de l’enfer dans sa toilette. Ma gaine de l’enfer feat. menstruation à l’intérieur, dans sa toilette. Ma grosse bobette beige tachée de saignements vaginaux, dans la toilette de son garage. Du sang de menstru dans le monde des mécaniciens.

«C’est quoi la chose le plus dégueulasse que t’as déjà trouvée dans la voiture d’un de tes clients?»

« Une bobette crissement grosse pleine de sang, mais c’n’était pas dans une auto, c’était dans ma toilette pis c’était à Noémie Rousseau.»

« Ouach! »

«J’ai vomi partout.»

 Quelqu'un connaît un bon mécanicien?

Source photo de couverture : mooidus

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