Récapitulons.

En mars dernier, un an après la rupture, tu apprenais que ton ex t’avait laissée pour une autre et qu’il habitait maintenant avec elle, à deux pas de chez toi (voir Mois de marde). Depuis, tu marches dans ton quartier en ayant peur de tomber sur eux. Eux, s’embrassant à bouche que veux-tu. Eux, en train de faire leur maudit jogging matinal de ti-couple 1+1=1. Un ti-couple miroir. L’un étant le parfait reflet de l’autre… Alors que toi, ben, tu es encore célibataire.

Certes, depuis la rupture, tu as essayé de te rematcher. Tu es même allée speed dater. Bilan? Le lieu était cheap, cinq gars sur dix étaient laids. Trois puaient de la bouche. Un était soûl : c’est parce que je suis anxieux. Deux autres ont profité du fait que tu as étudié en psychologie pour te parler de leurs problèmes… Euh. Désolée, mais non merci.

conversation

Source: Rencontremoisitupeux 

En fait, depuis le début de ton célibat, tu es un peu déçue de la gent masculine. Oui, tu as vécu quelques moments charmants. Comme lorsque le propriétaire d’un appartement que tu visitais t’a dit : Si t’es pas ma locataire, tu veux-tu être ma blonde? Mais re-non merci. Ou quand tu as obtenu 200$ de rabais sur un vélo parce que t’es tombée dans l’œil du vendeur et que le lendemain, il te retraçait sur Facebook : Tu veux-tu faire du becyk avec moé? Mais re-re-oh-fucking-non merci.

Alors voilà. Depuis ton ex, depuis un an, aucun homme n’a su capter ton attention. Aucun, tu es désolée de le dire, n’a chamboulé tes hormones, n’a éveillé tes neurones, ne t’a fait frétiller de l’intérieur.

Sauf un.

C’était en octobre dernier. Inscrite à OkCupid, tu es tombée sur un grand brun, 39 ans, ingénieur, deux enfants, aime la musique classique et le bon vin. Quand il a dit connaître L’homme sans qualités de Musil, un de tes romans préférés, il ne t’en fallait pas plus pour le rencontrer.

Votre premier rendez-vous s’est super bien passé! Le beau grand brun était plutôt sympathique. Le seul bémol? Il semblait un peu stuck up sur la musique.

— Tu n’écoutes que du classique?

— Oui.

— Vraiment?

— Oui.

— Mais…

Mais tu as vite mis ce mais de côté en te disant qu’après tout, tu écoutais de la musique classique toi aussi, non?

Le lendemain, tu vantais ta trouvaille masculine à deux de tes amies quand l’une d’elles s’est exclamée :

- Ben, je le connais! C’est le collègue de mon mari! Il est déjà venu souper chez nous avec son ex.

- Tu me niaises?

- Je te le jure! Je l’avais trouvé ben fin, mais son ex était bizarre.

- Bizarre?

Le mot bizarre résonnait encore dans ta tête quand, quelques jours plus tard, tu avais ta deuxième date avec lui. Date durant laquelle tu lui as partagé la connexion amie-mari-collègue (en omettant la partie ex bizarre). Il a confirmé la chose en disant Hé ben, hé ben, le monde est petit! Vous avez ri. Mais plus le temps passait, moins tu riais. Car tu trouvais que Monsieur parlait vraiment très fort. Et qu’il semblait davantage chercher une mère pour ses enfants qu’une adulescente de 35 ans… comme toi.

Mais tu as fait la sourde oreille en te disant qu’un homme qui parlait fort ferait changement de ton ex qui marmonnait. Et que ce n’était pas parce que tu avais passé la majeure partie de ta vie à ne pas vouloir d’enfants que tu n’aimerais pas prendre soin des siens, non?

Convaincue de t’être convaincue, tu as accepté une troisième date. Cette fois-ci, chez lui, je te cuisine un bon poulet au beurre. Quand il t’a donné son adresse, tu es restée bête.

— Qu’est-ce qu’il y a?

— T’habites à deux immeubles de mon premier appart!

Ce n’est pas tout. Deux jours plus tard, tu t’excitais à propos de Monsieur auprès d’une autre de tes amies quand elle s’est écriée :

— Ben là! Il travaille pour la même compagnie que mon père!

— Tu me niaises?

— Je te le jure! Ils doivent se connaître?!

Vérification faite, son père le connaissait très bien… c’est même lui qui l’avait embauché! Flabbergastée, tu as appelé ton homme pour lui annoncer la nouvelle connexion. Il a ri en répétant que le monde était vraiment petit. Tu as ri aussi. Mais avant de raccrocher, il a ajouté : Je suis chanceux, tu n’as pas encore de mauvaises références…

Les mots mauvaises références retentissaient encore dans ta tête lorsque tu es allée chez lui, près d’un ancien chez-toi, pour votre troisième date. Verre de vin à la main, la soirée se déroulait à merveille jusqu’à ce qu’il parle de son ex. Ex qui était partie en laissant une note sur la table. Ah? Avec les enfants. Hein? Dans une maison pour femmes. Quoi? Il continuait à parler, mais tu ne l’écoutais plus, car ton cerveau s’entêtait à compléter maison pour femmes avec battues. Tu as joué l’innocente.

— Une maison pour femmes?

— Oui, en dépression depuis des années, elle s’était isolée… Pis étant donné que j’étais le seul salaire du couple, elle n’avait pas beaucoup d’options… tu comprends?

Oui, non, pas vraiment. Du moins, tu étais devant le paradoxe suivant : était-elle une femme isolée car en dépression OU une femme en dépression car isolée… et battue??? Soudainement pressée, tu as terminé ton poulet au beurre (noir) et tu es rentrée chez toi.

Le lendemain, tu parlais de lui avec ta sœur Marie. Voulant tellement être en amour, tu taisais les mais et t’enthousiasmais sur les multiples connexions (qui étaient sûrement des signes que lui et toi étiez faits l’un pour l’autre, non?), quand ta sœur t’a dit :

— Ben là! C’est l’ancien voisin d’une amie!

— Tu me niaises?

— Je te le jure! Elle a habité au-dessus de chez lui.

— Wow!

Mais le regard de ta sœur s’est vite assombri :

— Quoi Marie?

— Ben…

— Ben quoi?

— Mon amie m’a parlé de…

— DE QUOI?!!  

— De violence conjugale.

— Fuck.

Tu as demandé à ta sœur de texter son amie en urgence. Par chance, cette dernière a répondu rapidement. En gros, elle disait qu’il était bel et bien son ancien voisin, que son ex et lui s’engueulaient tout le temps et que les enfants pleuraient souvent. Son conseil? Ne touche pas à ça.

Dans ton lit, ce soir-là, les mots bizarre, mauvaises références et ne touche pas à ça te martelaient le crâne. Incapable de t’endormir, tu as écrit un message à Monsieur dans lequel tu dévoilais cette autre connexion. Le lendemain, tu recevais une courte réponse : Je crois qu’il est mieux qu’on ne se voit plus… qui en disait long.

Depuis, tu t’es jurée d’écouter les mais qui crient au fond de ton ventre au lieu de t’emballer comme une conne pour des CONNExions qui, oui, démontrent que le monde est petit et souvent cute en maudit… mais plein de grands méchants loups, aussi. C’est Charles Perrault qui le dit.

petit chaperon rouge

Source: Flickr 

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