Alors je suis sortie. Un peu. Du moins, j’ai entrouvert la porte. Et je ne parle pas ici de la porte de mon appartement. Non. Je parle plutôt d’une attitude, d’un sentiment. Parce que je viens de me rendre compte que je vivais la porte fermée. À double tour. Depuis un bon bout de temps.

Depuis quand exactement? Je ne sais pas… Trop longtemps. Pourquoi? Parce que… Ah pis non. Faudrait que je m’étende trop longuement sur la question et je n’en ai pas envie. Comme à boutte d’essayer de me comprendre et de me faire comprendre.

Parce que comprendre revient à essayer d’avoir du contrôle sur la situation et puis là, pour dire bien franchement, je n’ai pas le goût de contrôler quoi que ce soit. En fait, pour une des rares fois de ma vie, j’ai seulement envie de vivre ce que je vis. De ressentir ce que je ressens. Que ce soit beau, laid, agréable, inconfortable, raisonnable ou pas, je m'en fous. Je ne veux pas savoir pourquoi ni comment. Le mental à off, je suis un corps, tout simplement. Un corps non pensant. Je mêle Descartes : je suis donc je ne pense pas.

Je ne pense pas. Du moins, pas trop. Pour agir différemment. Différemment comme… Répondre oui à une invitation alors que j'aurais habituellement répondu non. Ou répondre non alors que j'aurais habituellement répondu oui. Ou encore, remettre toutes les situations complexes et les choses que je ne comprends pas entre les mains de la vie. Lui dire : « Tiens, la vie, occupe-toi de ça. De ça. Et de ça aussi. Merci. » Pas par déresponsabilisation. Ni par pensée magique. Non. Seulement… J’appelle ça « savoir déléguer ». Parce qu’un moment donné, je ne peux pas m’occuper de tout, tout le temps, t’sais. De toute façon, même si je voulais m’occuper de tout, j’en serais incapable. Parce que des fois, voire souvent, je ne sais pas. Je ne sais pas comment agir, comment être, comment choisir. Alors tout ce que je peux faire c’est avouer mon ignorance, mon impuissance, et murmurer : « On verra. » Un genre de « Si Dieu le veut » non religieux.

C’est tellement libérateur de penser et de faire comme ça : garocher problèmes, projets et souhaits dans le ciel en se disant que les solutions et les occasions se présenteront d’elles-mêmes. S’en remettre à des instances supérieures. Croire dur comme fer qu’elles sauront mieux faire que nous. Qu’elles savent ce dont on a besoin. Et qu’elles nous l’offriront juste au bon moment. La tête légère, jouir de l’effet bénéfique de la prière. Prier, une leçon d’humilité. Qui rappelle qu’on n’est pas tout puissant et qu’il y a bien des choses dans la vie qui arrivent sans grande intervention de notre part.

Je ne dis pas de s'asseoir bêtement sur son divan et de ne jamais rien faire pour obtenir ce qu'on désire. Je dis seulement de ne pas en faire trop et de « laisser faire » de temps en temps. Comme laisser venir la solution à soi plutôt que de courir après elle. Ainsi, accueillir une réponse jusqu’alors inimaginable. Car il est difficile d’imaginer au-delà de ce qu’on connaît déjà.

Cette attitude est nouvelle pour moi. Moi qui, comme la plupart des femmes de ma génération, ai été élevée à aller chercher ce que je veux plutôt qu’à attendre et recevoir. À être active plutôt que passive. À contrôler plutôt qu’à laisser aller. Surtout, tenir les rênes fermement. Devenir reine de son propre royaume. À en oublier que la forteresse qu’on se construit et qu’on croit inexpugnable peut s’effondrer. Du jour au lendemain. Un coup de vent et puis pouf. Plus rien. La permanence des choses n'est qu'illusion. Tout change, tout le temps, qu'on le veuille ou non.

Dernièrement, j’ai donc fait changement et j'ai lâché la bride. J'ai ouvert les poings. Les yeux. Et je regarde ce qui vient. Depuis, à voir tout ce que la vie m'apporte, on dirait bien qu'elle n'attendait que ça: que je lui ouvre la porte.

Biscuit_chinois

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