Il y a tellement de choses que tu ne comprends pas. Des choses qui dépassent ton entendement. Qui déclenchent des « Ben voyons donc! ». Ce sont parfois des petites choses simples de la vie. Comme… L’autre jour, tu revenais de l’exposition du photographe Robert Mapplethorpe et marchais sur le boulevard de Maisonneuve, lorsque tu as croisé un jeune homme grand, mince, cheveux mi-longs… avec un doigt dans le nez. Comme vraiment dedans. Pas juste un doigt qui fouine naïvement autour d’une narine pour s’y plonger un bref instant. Non. Une fouille archéologique. La quête d’un trésor enfoui. Disons que la vision de ce doigt à cet endroit ainsi inséré t’a… surprise. Et doublement surprise. Car une fois le trésor trouvé, le jeune homme n’a pas cherché à s’en débarrasser en jouant subtilement de la « pichenotte ». Non. Il a longuement regardé sa trouvaille. En souriant! Fier, t’sais. Et il l’a collée sur le poteau juste à côté de toi. « Ben voyons donc! », que tu t’es dit. Ben c’est ça. Parce que tu veux bien admettre que se décrotter le nez est un geste naturel et universel, mais… il s’accomplit habituellement en toute intimité, non? Dans un lieu privé. Dans sa voiture, au pire. Mais pas en pleine rue du centre-ville. Ni en pleine Assemblée nationale...

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Tu ne comprends donc pas les gens qui se farfouillent l’intérieur à l’extérieur, à la vue de tous. Tout comme tu ne comprends pas ceux qui se mouchent sans mouchoir. Oui, tu le sais, c’est un geste qui se fait sans complexe en Chine, en Afrique et ailleurs dans le monde. Oui, tu le sais, ça sauve des arbres parce que la matière première d’un mouchoir est le papier. Mais c’est dégueulasse, ok? Surtout quand c’est le gars en vélo juste en avant de toi qui le fait et que sa morve atterrit dans tes lunettes. Dans ce temps-là, l’argument « sauvons des arbres » s’effondre. Parce que même si monsieur n’a pas tué d’arbre en se libérant le nez sans mouchoir, ben toi, tu en as tué un pour essuyer tes lunettes. Faque. Et à ceux qui te servent l’argument comme quoi il n’y a pas de gêne à se laisser aller les mucus aussi librement parce que ce sont des sécrétions naturelles, tu réponds que toute substance naturelle sortant naturellement du corps humain n’a pas à être partagée publiquement.

Et ta liste de « je ne comprends pas » ne s’arrête pas là. Car tu ne comprends pas les gens qui rentrent systématiquement dans la bulle des autres. Qui traversent la zone intime d’autrui à tout coup. Comme ces gens qui se mettent juste, juste, juste devant toi dans le métro, alors qu’il y a plein d’espace autour. Qui, par le fait même, te crissent leur sac à dos dans la face (parce qu’en plus, ils n’enlèvent pas leur sac de leur dos tel que recommandé). C’est probablement ces mêmes personnes qui, dans le vestiaire de ton gym, choisissent le casier juste, juste, juste à côté du tien pendant que tu te changes, alors qu’il y a une cinquantaine de casiers vides plus loin. Euh? Tu as beau cherché la logique de ces comportements d’intrusion, tu ne comprends pas. Ils créent un malaise profond en toi. Un malaise semblable à celui que tu as éprouvé l’autre jour, au cinéma, quand un inconnu est venu s’asseoir juste, juste, juste à côté de toi, alors qu’il y avait encore plein de sièges libres... Technique de drague? Même pas! C’était un pur et gratuit « pétage de bulle »! Mais au lieu de contre-attaquer avec un « pétage de coche » et de lui crier « Es-tu sûr que tu veux pas t’asseoir sur moi? Pis tiens, prends donc mon popcorn! », tu as gardé ton calme (et ton popcorn) et tu es allée t’asseoir deux rangées plus loin. En espérant ne plus être dérangée.

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Il n’y a pas que les libertins du mucus et les violeurs de bulle qui te mettent dans tous tes états. Il y a aussi les laveurs d’asphalte, c’est-à-dire ces citoyens qui gaspillent de l’eau pour arroser leur entrée bitumée. Non mais. Ils espèrent quoi, hein? Que le gazon y pousse? Que la propreté de leur entrée asphaltée donne un sens à leur vie? Parfois, tu imagines ce que ces gens disent sur leur lit de mort: « Vous savez, j’ai mené une bonne vie. Et ce dont je suis le plus fier, ce sont mes 3 enfants, oui. Mais surtout mon entrée de garage bien lavée, sans saletés. Parce que moi, les petites roches, j’va vous dire qu’il y en a pas une qui me résistait… »

Ainsi, malgré toute la zénitude dont tu fais preuve à 85% du temps, il y a parfois des gens et des comportements qui te mettent à bout, qui te sortent de tes gonds, qui te font dire « Ben voyons donc! ». Des choses stupides que tu as peine à comprendre. En fait, et c’est bête à dire, mais s’il y a une chose que ton intelligence saisit difficilement, c’est bien la stupidité…

Certes, il n’y a pas que la bêtise abyssale qui tient tête à ton entendement. Il y a également l’amour. Comme pourquoi certaines gens tombent si souvent et facilement amoureux, mais pas toi? Pourquoi, hein, pourquoi ces gens-là ont le temps de rencontrer la bonne personne, de fonder une famille, d’acheter une maison, d’avoir envie de tout crisser ça là, de le faire, de rencontrer une nouvelle personne, de fonder une deuxième famille, de se construire une maison, de passer go, de réclamer 200$... pendant que toi, ben… tu es encore là, à la case départ, en attente de lancer les dés. Non mais! Injustice! Tu exiges qu’on envoie en prison ces ceux et « ceuses-là » qui ont un trop-plein d’amour pour te laisser enfin jouer, toi! Toi et ton trop-plein de vide. Un vide que tu as beau remplir de voyages, de projets, de rages de bouffe, de sport, de lecture, d’écriture, d’illusions et de nombreuses autres distractions, ça reste que ce vide ne peut être comblé que par ce qui lui fait défaut : l’amour. Et malheureusement pour toi, l’amour ne se gagne pas au Monopoly.

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Outre ton incompréhension par rapport à l’amour, et plus particulièrement à sa distribution inégale au sein de l’humanité, tu ne comprends pas le pourquoi de certaines choses fondamentales : comme la vie et la mort. Parce que. Tu rigoles, tu fais ta fine, tu essaies de ne pas trop y penser, mais. Pourquoi la vie, pourquoi la mort, hein? Et pourquoi l’univers? Un univers si grand qu’on le suppose infini. Et toi, dans toute cette immensité, toi qui es si petite, infiniment petite… Toi. Ici-bas. En train d’écrire des « pourquoi? »… Des « pourquoi » dont tu as bombardé tes parents quand tu étais enfant. Des « pourquoi » auxquels on répondait souvent « parce que ».

- Parce que quoi?

- Parce que c’est assez, là. Va jouer.

Des « pourquoi » qui sont restés sans réponse depuis. Et qui le resteront... Pourquoi? Parce que c'est ainsi. Va jouer maintenant.

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