« J’ai mis du vernis sur mes ongles d’orteils pour être belle de la tête aux pieds, mais pas jusqu’aux bouts des doigts parce que j’ai les doigts rongés pis boudinés. J’ai collé des étoiles fluorescentes sur mon plafond juste au-dessus de mon lit, ça me donne l’impression de briller quand t’es par-dessus moi, même dans le noir parce que, parfois, mon vernis-couleur-d’automne n'arrive pas à me faire croire que je suis belle toute nue, les lumières ouvertes. J’ai lissé mes cheveux qui bouclent naturels à une température que les coiffeuses me regarderaient croches, si elles savaient.  Ça me donne chaud partout sur mon front quand je fais ça à la grosse chaleur, mais au moins, je sais que tes doigts ne resteront pas pognés dans mes frisottis de cheveux qui sèchent à l’air. Tant pis pour mes pointes qui brûlent, j’aime ça quand tu me flattes la tête, couchée sur tes genoux. Je suis allée au dépanneur pour changer mon cinq piasses en monnaie juste pour mettre 1,25 dans la sécheuse de mon immeuble pour défriper ma robe fleurie qui montre mon dos, mais pas trop en même temps pour pas qu’on voie mes plis de peau, pour te montrer que j’ai l’air d’une fille à ses affaires pis soignée. La preuve, j’ai même nettoyé les miettes de toast sur mon comptoir de cuisine, j’ai rangé tous mes livres du moins bon au meilleur en ayant pris la peine d’en laisser deux-trois traîner, les plus complexes, les plus gros, ceux avec les tout petits caractères avec des mots que j’ai dû googler pour bien comprendre, avec des fins que j’ai plus ou moins lues parce que dans le fond, c’était crissement boring. Juste pour être certaine que tu ne me prennes jamais pour une conne. J’ai laissé plein de petits détails traîner comme ceux-là un peu partout dans mon placard-appartement.

Je ne sais pas si tu vas tout comprendre ma subtilité derrière mon humour qui ne laisse envisager rien de trop complexe avec moi, mais j’aimerais ça que t’essayes juste. Je voudrais que tu souhaites apprendre tout le bordel qui se trimballe dans ma tête pis dans ma poésie en langue étrangère pour les humains faciles à vivre. Je voudrais que tu saches toute ma vie, comme moi qui ai déjà stalké tous les profils Facebook des personnes qui ont l’air importantes dans ta vie. Même ton ex parce que je voulais voir ce que t’avais pu aimer chez elle que moi je n’ai peut-être pas. Je ne veux rien laisser au hasard, je ne veux rien laisser filer. Je suis un peu cinglée, je l’avoue, mais dis-moi que t’aimes ça, au moins.

Ce n’est pas tout le monde qui prend le soin d’examiner ce qui pourrait être moins beau dans tes yeux, ce n’est pas tout le monde qui voudrait être parfaite pour toi. Parfaite à ta façon. Mais ça, je te le dirais jamais, c’est top secret, c’est quelque chose que même les filles ne s’avoueront pas, parce que même si on est toutes un peu intenses sur les bords, on va faire semblant du contraire, pis à la place, entre nous autres, on va se donner des conseils de « pas faire ci ou ça », parce que c’est cave pis qu’on mérite mieux que toutes ces niaiseries-là.  Ce n’est peut-être pas faux, je ne devrais pas passer mes journées à regarder mes messages même si je le sais que je n’en ai pas, mais c’est plus fort que moi, juste au cas où le tien, je ne l’aurais pas senti vibrer sur le bureau à ma job.  

J’ai le goût de le câlisser au bout du monde, mon cellulaire, quand tu décides de jouer à la guerre du silence.

Mais je ne le fais pas parce que ça coûte cher la technologie pis que je n’ai pas fini de payer mon maudit contrat de trois ans pour un bout de plastique métal-whatever trop gros pour rentrer dans mes poches et qui me met un peu triste quand la lumière verte ne s’allume pas. Fuck you quand tu décides que je ne mérite pas un de tes mots. Je vais faire pareil, qu’est ce que tu t’imagines, c’est par orgueil pis par principe. Je ne te texterai même pas en premier. Je vais attendre, dans l’anonymat. Je vais attendre en essayant de calmer le chaos dans mon dedans. Je vais combattre ton fantôme par tous les moyens du monde. Je vais me concentrer sur plein d’affaires dont, en temps normal, je me foutrais, même les plus niaiseuses. Je vais même faire plus de sport, courir plus vite avec de la musique que je n’écoute pas d’habitude pour me changer de mood. Je vais courir de toutes mes forces pis je vais continuer, même si j’ai le dessous des seins mouillé, même si j’ai des couettes fatigantes qui frisent sur mon front collant, tout ça pour être plus belle en pyjama-short-trop-court que je vais mettre pour dormir collé-collé avec toi.  

Je vais peut-être aussi parler à d’autres garçons, mais juste parler, juste pour te punir en cachette, parce que c’est de ta faute, mon comportement de névrosée quand tu m’ignores. Pis je le sais que tu le supporteras pas non plus, mon silence. Parce que toi aussi t’es un peu con. Parce que toi aussi quand t’as trop peur que je parte pour de vrai de vrai, tu t’inquiètes pis tu vas vouloir que je revienne. Tu vas voir, je vais te faire freaker à mort. À un tel point que t’auras pas le choix de m’écrire une marde pas rapport pour te rassurer que j’existe encore pour toi. Pis après, on va se pardonner nos enfantillages, le sourire aux lèvres, dans mon lit tout défait, une fois encore. 

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