J’étais au bar il n’y a pas très longtemps de ça et je regardais un gars pendant qu’il me regardait. J’ai continué à danser avec mes amies jusqu’à ce qu’il vienne me voir, puis j’ai dansé avec lui.

La soirée avançait et le pourcentage d’alcool qu’on avait dans le sang aussi. On parlait de tout, mais surtout de rien, c’est un peu confus dans ma tête. L’important, c’est qu’on ne se fera pas un dessin ; lorsque deux personnes adultes se plaisent bien dans un bar, parfois ça ne se termine nulle part, mais d’autres fois ça se termine chez l’un ou chez l’autre.

Cette fois, c’était chez moi, parce que j’habite en plein centre-ville, proche des bars.

On est arrivés dans mon appartement, j’pense qu’on s’est déshabillés rapidement, on a bu encore, puis on s’est embrassés. Pendant qu’on s’apprêtait à dépasser les préliminaires, j’lui ai demandé s’il avait un condom. Il m’a regardée comme si j’étais une extraterrestre. Donc, j’ai pris les devants en lui assurant que je devais en avoir pour ma part quelque part.

Pendant que j’allais à la hâte à la recherche d’une capote dans ma salle de bain, il est venu me rejoindre pour me dire que ce n’était pas nécessaire.

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«Que, j’le voyais bin qu’il était safe.»  

C’est une phrase que j’ai entendue quelques fois et qui me fait toujours un peu grincer des dents, parce que non.

«Non, j’le vois pas si t’es safe.»

J’veux dire, beaucoup de maladies sexuelles sont tout simplement invisibles et certaines asymptotiques. Peut-être que tu ne sais même pas encore toi-même que tu es infecté si tu ne te protèges jamais.

Même si t’es magnifique, même si t’as une hygiène hors-pair, même si t’es un bon gars ;

J’le sais pas si t’es safe. Parce que ta santé sexuelle n’a rien à voir avec ce que tu dégages ou ton image corporelle. Pis, si tu ne te protèges jamais, j’le sais pas si tous tes anciens partenaires sexuels sont safes. Parce que de coucher avec quelqu’un qui ne se protège pas, c’est aussi de coucher avec tous ses anciens partenaires. Et, comme tes critères pour ne pas te protéger ne semblent pas très accrus (j’dis ça parce que tu ne me connais pas du tout et que tu essayes de me convaincre qu’on ne se protège pas), j’me dis qu’il en a surement été de même pour les autres. C’pas rassurant.

Y’a comme un tabou à ce propos. Il y a une sensibilisation énorme sur les ITS, mais il n’y a jamais eu plus grande contamination entre individus que présentement. Le fait est que c’est difficile d’associer une personne d’apparence normale à un porteur d’une quelconque cochonnerie sexuelle. Et, j’pense qu’on a aussi l’impression que tout se soigne, que tout est réglable facilement aujourd’hui, avec un petit médicament ou deux, mais ça non plus c’pas vrai.

L’herpès est incurable. Le VPH est une cause directe au cancer de l’utérus. Le sida est mortel.

Je parle du pire. Mais, il y a aussi le « moins pire », bien plus commun ; la chlamydia, la syphilis, la gonorrhée. Il y en a une véritable épidémie qui se transmet à coup de va-et-vient et de « tu l’vois bin que j’suis safe »

Prendre soin de sa santé physique est quelque chose de très bien perçu. De sa santé mentale aussi. Mais, lorsque j’veux prendre soin de ma santé sexuelle et que je demande à ce qu’on porte un condom, parfois, on me répond : tu l’vois bin que j’suis safe, alors qu’il n’y a aucun moyen réel de le constater à l’œil avec certitude.

Plus jeune, je n’aurais pas assumé l’importance que j’accordais au fait de me protéger, parce que ç'a pas l’air cool, ç’a pas l’air d’être du « dirty sex », ça brise un moment, ou allez savoir les prétextes qu’on s’invente pour succomber à la pression de ne pas se protéger, parce que je connais un nombre incalculable de gens intelligents qui ne le font pas.

Jamais.

J’m’excuse. Mais pour moi, aujourd’hui, on ne baise pas sans condom.

Pis je m'en fous de quoi tu as d'l'air.

Source de l'image de couverture: carolinabuzio.com

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