Non, je ne me suis pas trompée. L’expression est bien quand on se compare, on se console. Elle a peut-être été appropriée à une autre époque, mais elle ne fait aucun sens aujourd’hui. Est-ce qu’on regarde une personne enrobée et l’on se dit, bon dieu que je suis mince? Ou une personne âgée en se rappelant à quel point on apprécie notre jeunesse? J’ai même de la difficulté à comprendre à quelle époque cette expression a été adéquate. On nous a appris à garder la tête haute, alors c’est ce que l’on fait. On regarde toujours plus haut : plus belle, plus gentille, plus intelligente ou plus riche, on en veut plus. La vie ne se passe qu’à un endroit : droit en face de nous, en ce moment-même. C’est étrange, la perfection n’est enviée que par les humains. Est-ce qu’une girafe cherche à être une souris? Bon, c’est une métaphore grotesque, mais quoi de mieux pour comprendre l’essence du problème.

À chaque fois que l’on se compare, c’est en se dénigrant. On veut les vêtements de cette fashionista parce que les nôtres sont minables. On veut la vie de couple du voisin parce que la nôtre ne suffit plus. Nos comparaisons nous remettent en plein visage ce qui échoue dans notre vie. Se comparer n’est déjà pas assez une grosse bourde qu’il faut en plus l’utiliser contre soi-même? La femme avec la beauté indéniable aimerait bien être aussi généreuse et gentille que toi. Le couple aimerait avoir autant d’amis que toi. Le génie aimerait avoir tes aptitudes sociales.

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Source: sepitajima.com

La seule chose positive à tirer d’une comparaison c’est qu’elle te montre la personne que tu voudrais être. Cesse de te morfondre et travaille sur toi-même en laissant les autres tranquilles. Il n’est jamais trop tard pour être un meilleur humain. Dans la vingtaine, on cherche qui l’on est réellement. Dans la trentaine, on essaie d’être la meilleure version de nous-mêmes parce que du haut de nos trente années d’existence, on a tout compris à la vie. Dans la quarantaine, on commence à vouloir se faire plaisir et on arrête tranquillement de travailler sur ses défauts. Durant la cinquantaine, on ne vit que pour soi parce que «on est à bout de nerfs de ne faire plaisir qu’aux autres».

C’est étonnant à quel point les gens, y  compris moi-même, préfèrent s’asseoir sur leurs défauts. J’ai entendu à de nombreuses reprises : «lorsque je vais être à la retraite, je vais faire ce que je veux. Si j’ai envie d’être désagréable et hargneux, je vais l’être. C’est une juste récompense après 65 ans d’existence au profit de la société.» J’ai déjà compris ce point de vue. J’ai arrêté de le comprendre après avoir parlé avec ma grand-mère. Elle m’a dit qu’autrefois, elle était toujours en colère, toujours pressée ou stressée. Lorsque mon grand-père est mort, elle s’est rendue compte qu’il n’avait vécu qu’avec cette femme un peu névrosée. Elle a décidé à ce moment là qu’elle voulait être la personne qu’elle enviait, la personne à qui elle se comparait. Elle serait gentille, tolérante, patiente. Non seulement elle l’a dit, mais elle l’a fait. C’est une personne admirable et incroyablement aimable. Ce qu’elle m’a dit était beau et vrai, mais pourquoi attendre 60 ans? Pourquoi attendre tout court?

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