T’as un bon salaire légèrement au-dessus de la moyenne. T’as pris cette job-là en attendant, parce que ça paie très bien les factures. Parce que c’est une entreprise de renom. Parce que c’est majoritairement du lundi au vendredi et que tu travailles de jour. Tes collègues sont sympathiques. Somme toute, ce sont des bonnes conditions de travail et ça ne peut pas être pire que de retourner en hôtellerie ou en restauration à faire des heures de fous qui ne paient pas autant. Comme tu l'as déjà fait auparavant.

Ça n’empêche pas que cette job-là, tu ne l’aimes pas. Tu n’aimes pas ce que tu fais. Tu n’aimes pas être au téléphone toute la journée, tu n’aimes pas être une vendeuse. Tu n’aimes pas devoir calculer le temps qu’il te reste pour répondre à une question d’un de tes collègues ou les minutes qui te restent pour aller aux toilettes à la fin de ta journée. Parce que ce n’est pas toi, parce qu’être le plus compétitif de la branche pour obtenir les bonus, toi, ça ne te motive pas.

Tu fermes les yeux sur tout ça et tu rentres chaque matin. Tu mets ton cerveau à off, du moins, tu essaies. Tu comptes les heures jusqu’à ce que tu finisses. Les journées sont de plus en plus longues. Tu n’es pas performante. Tes boss te disent que tu n’es pas performante. Ce n’est pourtant pas parce que tu ne sais pas comment faire. Tu le sais. Tu en es capable. Mais pour toi ça ne fait aucun sens. Tu attends chaque fin de semaine avec impatience. Dès le lundi.

Puis, ça s'installe doucement. Tu restes le matin dans l’auto jusqu’à la dernière minute avant de rentrer dans ton bureau. Tu ne passes plus le midi avec tes collègues. Il t’arrive de pleurer en finissant le soir, pognée dans le traffic. La nuit, tu te réveilles en sursaut et quand tu ne te réveilles pas, tu rêves de ton travail, de ta journée à passer au téléphone dans ton centre d’appel.

C’est bien beau de te dire que tu peux travailler ailleurs, mais quand tu as une hypothèque… Tu te raccroches à cette paie dont tu as besoin. C’est comme si tu avais vendu ton âme. Ton travail finit par créer des conflits avec ta famille et tes amis tellement tu n’en peux plus. Les week-ends sont trop courts. Les semaines beaucoup trop longues. C’est facile de se dire qu’il y a en qui travaillent fort physiquement, qui ont chaud ou froid au travail, pendant que toi, t’es assise sur ta chaise à l’air climatisé. Mais t’as mal en-dedans pareil.

Y’a-t-il une paie qui vaut vraiment tout ça? Passer plus de la moitié de ton temps, de ta vie, à compter les minutes jusqu’à ta liberté? De faire de l’insomnie le dimanche soir parce que tu ne vois pas comment tu vas pouvoir retourner au travail? C'est pas de la paresse. T'as fait des jobs 20 fois plus rushantes que ça pourtant.

Mais c'est ça l'affaire. C'est que même si c'était rushant, que tu arrivais brûlée à la maison, tu restais celle que tu étais. Tu étais bien dans ton emploi, c'était dur, mais t'aimais ça pareil. Il n’y a aucun travail qui mérite de se faire violence mentalement comme ça. Aucun. Si c'est beau pour certaines personnes de mettre la switch à off et de la réouvrir le soir en finissant, ce n’est pas nécessairement quelque chose pour tout le monde.

Alors à toi à qui mes mots parlent aujourd'hui, au risque de paraître clichés, tu vas travailler la majorité de ta vie, aussi bien faire quelque chose qui te rend heureuse. Prends ça en main et n'attends pas de ne plus être capable de te lever et d'apprécier la vie pour ce qu'elle est. Tu n'es pas faible. Tu n'es juste pas faite pour ça.

Pis tu sais, c’est bien correct comme ça.

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