Je suis assise dans un restaurant seule. J’écris pour passer le temps. Il y a une jeune femme début vingtaine qui vient me voir. Elle semble hésiter à m’aborder, l’espace d’une seconde et elle reste debout près de ma table. Suite à une légère hésitation, je réalise qu’elle est une ancienne connaissance du secondaire.

Je lui souris avec enthousiasme et je lui tire la chaise pour qu’elle prenne place à mes côtés.

On parle un peu de tout, mais surtout de rien. Après un certain temps, il y a un léger silence que je n’ai pas envie de briser. J’ai le sentiment qu’elle attend le bon moment pour me demander quelque chose de spécifique. Je le ressens. Alors, je lui facilite l’arrivée de ce bon moment en ne lui parlant pas.

J’ai raison, parce qu’en fixant la table elle me lance d’un ton hésitant ;

« Comment as-tu fait ton coming out? »

Plutôt que de lui répondre, je lui pose une question en retour pour éluder, parce que je déteste qu’on m’associe à une orientation que je n’ai jamais officialisée :

«  Es-tu homosexuelle? »

Elle n'était pas certaine, mais elle aimerait pouvoir faire son coming out le plus rapidement possible parce que c’est un stress énorme pour elle de l’annoncer.

Je ne sais pas quoi dire.

J’me demande ce qui fait en sorte qu’une personne soit pressée de découvrir avec certitude son orientation afin de l’annoncer le plus rapidement possible pour être débarrasser de « l’épreuve stressante » qu’est le coming out.

Après tout, pourquoi on ne prendrait pas notre temps ? Pourquoi ne pas explorer autant longtemps qu’il le faut, notre propre sexualité ? Pourquoi ne pas expérimenter ce que l’on veut ? Pourquoi doit-on prouver quelque chose aux autres en terme d’énonciation d’orientation ? L’amour, le désir, l’attirance, la curiosité, l’hésitation sont des sentiments normaux et ils n’ont pas à être associés automatiquement à une orientation sexuelle donnée si ce n’est que pour s’en débarrasser.

On parle beaucoup du coming out, mais pourquoi on ne parle pas plutôt de ne pas faire de coming out ?  Pas tout de suite, pas maintenant. Pas avant d’en avoir envie. Et, si on explorait notre sexualité pour le simple plaisir de l’explorer ? Plutôt que de songer à la manière d’annoncer aux autres ce que l’on aime réellement, avant même d’en être certain?

C’est correct de faire son coming out, de se sentir une appartenance à une orientation. Certaines personnes en ressentent le besoin.

Mais, c’est aussi correct de ne pas le faire.  

Coming out

Source

Parfois, plutôt que de parler de comment faire son coming out, on devrait parler de comment ne pas le faire. C’est correct, de prendre son temps. C’est correct, d’expérimenter. C’est correct, de ne pas savoir. C’est correct de changer d’avis. C’est correct de ne rien devoir à personne.

Et, alors que cette jeune femme me demande comment j’ai fais mon coming out, je voudrais lui répondre que je ne l’ai jamais fais.

Que, je ne ressens pas ce besoin.

Peut-être qu’un jour j’écrirai un texte de mon coming out. Mais, aujourd’hui, je voudrais officiellement annoncer...

Que je ne fais pas de coming out.

Source de l'image de couverture

Accueil