Eille fille, je te vois, les yeux dans le vide, la face éteinte, parce que tu viens de te manger une énième réplique acerbe par la tête. Un commentaire amer, piquant, qui s’est planté au fond de ton cœur. Des paroles qui, encore une fois, ont remis en doute ta façon de vivre, d’explorer ta propre sexualité. Des mots, prononcés avec une désinvolture choquante, qui sans même le vouloir t’ont écorchée profondément.

Ça te met en colère, ça te bouleverse, te déracine peu à peu. Maudit que ça te dérange. Tu es fâchée d’accorder tant d’importance à des propos qui ne le méritent pas. Parce que tu es forte, tu es brave, pis tu sais qui tu es dans la vie. Le nombre de personnes avec qui tu as atteint l’extase, ça regarde qui? Si toi, tu as eu dix-sept partenaires sexuels au cours de la dernière année, qui est en droit de te juger? Pis si t’en as eu un, ou pas pantoute, eh bien c’est pareil. Tu le sais bien que ta façon d’utiliser ton enveloppe charnelle, y’a juste toi pour poser un jugement là-dessus. Alors pourquoi ce petit discours condescendant et dédaigneux, il t’a autant remuée? Pourquoi le fait que les gens se permettent de commenter négativement ta façon de consommer la chair, ça te donne une bonne claque dans le visage à chaque fois?

Parce que tu es tannée du double-standard ridicule qui fait des femmes une armée de « sluts » et des hommes une belle gang de conquérants charmeurs. Parce que tu en as marre que dès que tu élèves la voix dans une pièce pour parler de sexualité, tu es automatiquement reléguée au plan de salope sans scrupules ou d’hystérique sentimentale qui ne peut pas dissocier une partie de fesses des émotions amoureuses. Parce que tu es tannée que la société fasse pression sur ton genre pour que tu sois mignonne, que tu te montres pas trop, pis que tu gardes bien ça tout secret ce que tu fais dans ton lit. Pourtant, t’as une bonne partie des partenaires qui sont bien excités à voir une femme sauvage pis en possession de ses moyens. Pourquoi tu ne pourrais pas aimer le cul, et être une bonne personne quand même? Dis-moi ça!

femme lit couchée corpsSource image: Pexels

C’est tellement malsain de toujours se sentir jugée, épiée, décortiquée. Tu peux-tu être toi-même? Avoir des pulsions. Agir sur l’impulsivité. Faire des erreurs. Parce que tout le monde en fait, les hommes aussi tsé. Tant que tu respectes tes partenaires et que tu es honnête, tu fais bien ce que tu veux ma belle. Pis ça, peu importe ce que les autres peuvent bien en dire.

Il t’est déjà arrivé de ne pas te protéger? Fine. C’est dangereux, et vérifie que tout est ok, mais ça ne fait pas de toi une pute. Ça ne signifie pas que tu es sale. T’as couché avec quatre personnes différentes dans la même semaine? Tu n’es toujours pas sale. Tu as déjà été tellement triste et brisée que tu t’es consolée dans le lit de quelqu’un? Toujours pas une pute. Tu as des fétichismes, des envies peu courantes? TOUJOURS PAS UNE SALOPE!

Pis le pire dans cette histoire-là fille, c’est que ces jugements de valeur prononcés à la va-vite proviennent d’une autre femme. Ça te scie en deux, que la stigmatisation des salopes soit aussi puissante. Un homme qui te juge sur ta vie sexuelle, c’est déjà dégueulasse, mais une femme… C’est difficile de voir que même si elle passe par le même chemin inégalitaire que toi, à tous les jours de sa vie, elle se permet de t’attaquer. C’est tu possible d’être solidaire? C’est tu possible de juste respecter l’autre sans avoir besoin de juger ce qu’il ou elle fait ?

Pour moi, que tu sois un homme, une femme, ou tout ce qui se trouve entre les deux, tu possèdes les mêmes droits. T’as le droit d’aimer ou de ne pas aimer le sexe. T’as le droit de vouloir en parler ouvertement, ou pas. T’as le droit de coucher avec plusieurs partenaires différents, ou toujours le même. T’as le droit de faire des erreurs, des nouveaux essais, de changer d’idée, etc. T’as le droit d’être toi et de ne surtout pas t’excuser pour ça. Aime-toi, aime les autres. Pis c’est toute. Cibole, lâchez-moi les jugements, les préjugés et faites un peu attention à ce que vous dites. Soutenons-nous, tous, autant que nous sommes. Parce que les mots crus, les mots irréfléchis, les mots condescendants, ils blessent, même les plus fortes d’entre nous.

Source image de couverture: Unsplash
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