Honnêtement, je pourrais arrêter d’écrire maintenant et j’aurais tout dit. Parce que c’est ça. C’est tout ça et c’est juste ça. Mon amie va mourir. Et je capote.

Alors on fonctionne comment en attendant… en attendant que ça passe. Parce que c’est bien ça qu’on fait. Depuis un an et demi. On attend que ça passe. On se voit le plus possible. On se parle toutes les semaines. Des fois on ne se parle pas, on ne fait que pleurer. On se dit qu’on s’aime. On se redit qu’on s’aime.

Mais il reste qu’on ne sait pas comment fonctionner. Rien ne nous prépare à cela dans la vie. Bien sûr, on sait tous qu’un jour on perdra nos grands-parents, puis nos parents. Et qu’éventuellement ce sera notre tour. On ne peut pas vraiment s’y préparer, mais on sait que ça viendra. On espère toujours que ce sera de vieillesse. Qu’un matin ils ou on ne se réveillera pas. Que ce sera doux. Si douce peut être la mort. Pourtant, là, ce n’est pas pareil. On sait que ça ne se passera pas comme ça. On sait qu’il y aura de la souffrance. Il y a déjà de la souffrance.

Une jeune maman ne devrait pas préparer ses trop jeunes enfants à sa mort. Une jeune femme ne devrait pas préparer son amoureux à sa mort. C’est absurde. C’est insensé. Et c’est injuste.

Mon père disait que la vie est une maladie mortelle qui s’attrape à la naissance. Ça se voulait imagé, voire romantique. Ce n’était pas tragique. C’était une façon d’illustrer le cycle de la vie. Et bien là, le cycle de la vie n’est plus un cycle. Il s’est fissuré un peu trop tôt. Bien trop tôt. Il a craqué, un jour d’été, il y a un an et demi. Ce cycle, on l’a vite pris dans nos bras, on l’a pansé. On a tenté de le recoller, on a tenté de le consoler, on a tenté de le guérir. À un moment donné, on a même cru l’avoir soigné, l’avoir sauvé. Et la craque s’est rouverte. Et elle s’ouvre, de plus en plus, de jour en jour. Et on sait ce qui s’en vient. On sait qu’un jour, bientôt, la craque ne sera plus qu’une craque. La craque sera la fin.

Alors on attend que ça passe. On ne sait pas combien de temps ça va durer. Mais on sait qu’on sera là jusqu’à la fin. Parce que mon amie est trop jeune pour avoir un cancer qui ne guérira pas. Parce que ses enfants sont trop jeunes pour passer à travers leur vie sans leur mère. Parce que son amoureux est trop jeune pour perdre la femme qu’il aime. Parce que je suis trop jeune pour avoir une amie qui va mourir. Parce que des fois, le cycle de la vie ne fait pas un tour complet. Des fois il s’arrête un peu trop tôt. Alors on attend que ça passe. On capote. Et on s’aime. Parce que c’est la seule façon de fonctionner.

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Source: Pixabay

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