Janvier, février, marde, avril, mai, juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre, décembre. C’est ta version des douze mois de l’année.

Parce que ton si beau conte de fées est désormais un conte défait.

Il était une fois, dans les années 1980, un jeune prince et une jeune princesse qui patinaient ensemble. C’était lui, c’était toi. Lui, en costume de lycra, toi, en robe à paillettes. Disney on Ice… ou presque. Mais à l’adolescence, vous avez accroché vos patins et vos chemins se sont séparés.

Des années plus tard, par pur hasard, vous vous êtes retrouvés dans le même cours d’allemand, à l’université. Parmi des ich spreche deutsch massacrés, il t’a invitée à prendre un café. Ton cœur étant déjà pris, tu as refusé.

Presque dix ans de silence ont passé et puis l’ère du royaume Facebook est arrivée. Tu as reçu un message de lui… maintenant, ce café, c’est oui? Vous vous êtes donnés rendez-vous. Au premier regard, tu as su que c’était l’homme de ta vie.

C’était.

C’était en mars 2010. Votre amour a duré cinq ans. Cinq ans durant lesquels il t’a demandée en mariage, à genoux, sur une patinoire louée pour vous. Disney on Ice, vraiment.

BLANCHE NEIGE

Source: Natural Baby Goods 

Mais en février 2015, il quittait votre château en te disant que ce n’était pas toi, mais lui. Qu’il avait besoin de partir dans des contrées lointaines pendant quelque temps, pour combattre ses dragons intérieurs.

— Combien de temps?

— J’sais pas.

— Mais si ce n’est pas moi, pourquoi partir?

— J’sais pas.

Il ne savait pas, tu ne savais pas, vous ne saviez pas… vraiment?

Début mars, le jour de votre anniversaire de couple, il revenait sur son cheval blanc. Tu osais espérer que oui, peut-être, enfin. Mais quand il a dit non merci à la pizza que tu lui tendais, tu as compris que bon… ouain. Et quand il a ajouté je te quitte, tu as… quoi?

— Tu vas trop bien, pis ça me dévalorise. J’suis fatigué de me sentir moins que rien.

— Hein?

— Faut qu’j’apprenne à me valoriser par moi-même, tu comprends?

— Hein?

Dans ta tête, Montagne russe de Louis-Jean Cormier. Ou bullshit écrit en grosses lettres rouges.

love is bullshit

Source: Spreadshirtsmedia 

En avril, il est venu vider votre 6 ½ princier. Alors que tu l’entendais faire ses boîtes, toi, tu essayais de comprendre ce qui s’était passé pour que votre histoire, censée se terminer par ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants, se termine, point.

Au mois de mai, tu as survécu en t’enfermant dans une tour de déni. Toi, princesse déchue? Jamais!

blanche neige saoule

Source: S-media-cache

Mais au fond de toi, c’était la décomposition, la déroute, la débandade. Une période de démembrement sans précédent. Jour après jour, tu faisais le décompte de ta vie. Pus de prince. Pus de carrosse. Et bientôt pus de château, parce que ton 6 ½ était devenu trop cher et trop grand pour ta petite personne. Un 6 ½ que ton ex et toi aviez rénové. L’endroit supposément rêvé pour fonder une famille. Ben… vous n’avez rien fondé pantoute et tout s’est effondré. Et là, tu avais atteint le fond du fond, fond, fond.

Ainsi font, font, font, les petites marionnettes, mais il n’y avait rien d’amusant dans ton histoire. Pas de quoi rire. Car en juin, tu es retournée vivre chez tes parents. La honte. À 35 ans, tu étais la définition même du pathétisme. Dans tes pires cauchemars, tu ne t’étais jamais imaginée là. Là, c’est-à-dire nulle part. Nulle part avec plus rien. Sauf un gros L dans le front.

En juillet, ta rupture se portait plutôt bien, merci. Le choc de la claque su’a yeule maintenant passé, tu commençais à voir les avantages d’être de nouveau sur le marché. Les regards, les compliments, ça te faisait du bien. Ce qui te faisait du bien, également, c’était de t’imaginer partir en road trip aux États-Unis, pour un temps illimité, sans garantie de retour. Comme le personnage de Maria, dans Léviathan de Paul Auster. Comme la belle Norah Jones, dans le film My Blueberry Nights.

my blueberry nights

Source: S-Media-cache

Projet que tu n’as pas réalisé, car tu savais très bien qu’il découlait d’une agitation interne, qui découlait d’un besoin de combler le vide créé par le départ de ton ex.

Au mois d’août, à défaut de partir en road trip, tu as décidé de partir de chez tes parents. Tu t’es donc trouvé un 3 ½ dans Rosemont–La Petite-Patrie, un des seuls quartiers de Montréal où ton ex et toi n’aviez pas d’histoire commune. Tu y as emménagé en septembre.

Septembre. Enfin dans ton nouveau chez-toi, tu sortais beaucoup, buvais trop. Et tu finissais tes soirées à brailler en pensant à lui.

Octobre. Pour t’aider à l’oublier, tu t’es inscrite à OkCupid. Tu as enchaîné les rencontres comme une déchaînée.

Novembre, après deux dates désastreuses, tu as rebaptisé le site OkStupid. Et tu t’en es débranchée.

okstupid

Source: Complainingisanartform

Décembre, tu voyais arriver les Fêtes sans ton ex avec angoisse. Lui, dont tu t’ennuyais tant et à qui tu as fini par écrire je ne comprends toujours pas… pourquoi?

Janvier, pas de nouvelles.

Février, tu n’en espérais plus.

Finalement, marde 2016, Monsieur t’a envoyé un long courriel dans lequel il t’annonçait t'avoir quittée pour une autre, un détail qu’il n’avait pas jugé important de mentionner au moment de la rupture, un an plus tôt, presque jour pour jour, pour ne pas te faire plus de peine, mais voyant que tu avais de la difficulté à passer à autre chose, il était peut-être mieux pour toi, maintenant, de connaître la vérité, surtout que lui et sa nouvelle princesse habitaient ensemble dans ton quartier… qu’il y avait donc des possibilités que vous vous croisiez…

Dans ta tête, c’était Hiroshima. Tu as bombardé tes amies de courriels de what the osti the fuck? Elles t’ont consolée en disant qu’il était un sale, un con, un sale con, et que, Dieu merci, les risques de le croiser étaient faibles, car après tout, c’est grand Rosemont-La Petite-Patrie!

Peut-être. Mais le monde, lui, est petit. Alors ce qui devait arriver, arriva. Un beau dimanche ensoleillé, à deux pas de ton appartement, tu es tombée sur sa voiture. Une fois le numéro d’immatriculation mille fois vérifié, pas de doute, c’était lui.

Dans ta tête, cette fois-ci, Nagasaki. Tu as texté ton ex pour savoir s’il habitait vraiment là, à un coin de rue de chez toi, ou si c’était juste une hallucination de ta part. Il t’a répondu non, ceci n’est pas une hallucination.

hallucination

Source: Media.paperblog

Fuck.

Tu t’es soudainement sentie ridiculement en danger. Exposée. Vulnérable. Comme un animal piégé. Pire. Comme un personnage secondaire de leur conte de fées. Car tu pouvais les rencontrer n’importe où! Dans un café, se barbouillant de crème fouettée. Au Jean Coutu, magasinant un test de grossesse. Au marché, croquant dans la même pomme rouge (empoisonnée)…

C’en était trop. Ce deuxième mois de mars de marde avait eu ta peau.

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Tu regardes ton billet pour la Californie et tu souris. Le soleil, le Pacifique, les surfers… Parfait pour rêver à un nouveau prince charmant et oublier ton ex. Ton ex à qui tu as écrit, en MAJUSCULES, de ne pas se pointer là-bas. Parce que, c’est peut-être grand, la Cali… mais le monde, lui, est fucking petit.

fuck you la terre

Source: Traitdemarc 

Note de l'éditrice: Chaque mardi, nous publierons une "Tranche de vie" de Catherine. À la semaine prochaine pour la suite! 

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