Le générique défile. Les lumières s’ouvrent. Je suis clouée à mon banc, béate et ébranlée par ce film librement inspiré de la vie de l’écrivaine Nelly Arcan.

Nelly était une auteure prolifique qui était prisonnière de son image.

Cette image qui l’obsédait, l’inspirait et la contraignait.

Cette image qui était à l’origine de bien des maux/mots.

La lecture de ses livres « Putain », « Folle » et « À ciel ouvert » ainsi que le visionnement de certaines de ses entrevues m’ont profondément bouleversée. Je réalise que les gens se sont malheureusement plus souvent attardés au contenant de l’artiste plutôt qu’à son contenu. Ce qui, encore une fois, vient confirmer ce qu’elle dénonçait quant à la survalorisation de la beauté et de l’image dans notre société.

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Source: Blogbus

La beauté comme pouvoir

La beauté a le pouvoir d’attirer, de séduire et de faire rêver. Quel plaisir de se laisser contempler et admirer, comme une œuvre d’art qu’on n’aurait jamais les moyens de s’acheter. Se sentir précieuse, unique et inatteignable, sauf pour les plus méritants.

C’était ça, le plus grand plaisir de l’existence: être adulée, aspirer les autres par un dispositif qui les gardait à distance, se remplir des autres sans les prendre, s’emparer de leur amour, sans le leur rendre. (À ciel ouvert, p.139)

Vouloir être la princesse que l’on voit dans ces films depuis que l’on est toutes petites. Celle qui fait tomber tous les hommes. Celle qui se démarque. Celle qui en vaut la peine. Celle qui aurait tous les passe-droits.

La beauté comme tyrannie

D’un autre côté, dans cette quête de pouvoir, on peut facilement se perdre puis se retrouver à la merci des standards de beauté véhiculés dans la société. Ceux qui font germer en nous l’impression de ne jamais être « assez » et qui alimentent le puits sans fond des complexes.

Comme l’écrit Nelly dans son roman À ciel ouvert « Cet acharnement esthétique qui recouvre le corps d'un voile de contraintes tissé par des dépenses extraordinaires d'argent et de temps, d'espoirs et de désillusions toujours surmontées par de nouveaux produits, de nouvelles technologies, retouches interventions qui se déposaient sur le corps en couches superposées, jusqu'à l'occulter. C'était un voile à la fois transparent et mensonger qui niait une vérité physique qu'il prétendait exposer à tout vent, qui mettait à la place de la vraie peau une peau sans failles, étanche, inaltérable, une cage. »

Je suis triste de constater que trop souvent, on accorde une importance démesurée à notre physique. Est-ce parce que notre corps est en quelque sorte la première impression? Notre page couverture? Qu’il représente la porte d’entrée vers notre intérieur? Et si on n’était pas assez attrayant, que les gens n’avaient pas envie de franchir le seuil de la porte pour nous découvrir réellement, sous toutes nos couches?

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Source: Love Nenoso

Quoi qu’on en dise, la beauté ne laissera jamais indifférent. Elle demeurera une muse intemporelle ayant le pouvoir de nous faire rougir et de nous faire souffrir, comme l’a si bien dépeint Nelly à travers ses magnifiques romans.

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