Hier, malgré la promesse de tout éteindre et de se coucher à 23 h, on a, pendant des heures, regardé sur Instagram les comptes des mannequins célèbres sur la scène internationale et de femmes qui s’entraînent sept fois par semaine tout en nous tenant au parfum de leur routine abdos-fessier (parfum dont j’anticipe avec appréhension l’odeur). C’est ce que j’appelle avoir la gueule de bois d’Instagram, c’est-à-dire qu’on n’a pas su s’arrêter et qu’on a dépassé notre limite de consommation. Je connais ça. Puis, je me brosse les dents, expressément nue devant mon miroir, et là ça commence : je compare mon image avec les doux souvenirs des photos visitées hier. Seulement, le jour suivant ma consommation excessive de photos du compte de Victoria’s Secret, pour n’en nommer qu’un, je me sens aussi sexy qu’une odeur fraîchement libérée d’une boîte de haricots rouges ou d’une dinde surgelée qui trône sur le comptoir la veille de Noël. Le reste du temps, je me sens plutôt bien dans ma peau.

Double menton

Vous allez peut-être vous dire que mon sujet n’est pas original et qu’on en a fait le tour. Cela dit, là où je veux en venir, c’est que contrairement à ce que j’entends souvent, les hommes aussi sont exposés à la pression médiatique. Pour certains, il s’agit d’une évidence. Il suffit pourtant d’être présent dans les sombres profondeurs des conversations de salon pour comprendre que plusieurs n’ont toujours pas remarqué la pression à laquelle sont confrontés les hommes quant à leur image. On parle beaucoup de ce sujet en oubliant souvent d’y inclure les hommes.

Je serais charmée si demain matin une publicité Versace, associant le héros contemporain et un beau bonhomme au ventre poilu, s’imposait sur mon écran de téléphone. Cela me donnerait la dose d’énergie nécessaire pour me faire, en solo, un déjeuner digne d’un rendez-vous amoureux en compagnie de cet homme de mes rêves. Les rares fois où j’ai remarqué des bedons ou des hommes maigres dans certaines publicités concernaient soit la sensibilisation contre le diabète ou le cancer (ce qui est peu enviable) ou encore des propos à caractère humoristique.

hommeSource image : Pexels

Il est vrai que je trouve qu’un corps musclé est agréable à observer. J’aime beaucoup aussi regarder un beau cheval. Pourtant, avoir une histoire d’un soir des plus sexuelles sous un rythme latino de Daddy Yankee avec un étalon, zébré ou non, se situe à la toute fin de ma liste de choses à faire avant de mourir. Je suis peut-être la seule, mais pour moi un sosie de Schwarzenegger ne me fait pas automatiquement ovuler plus qu’un homme avec une bedaine. À mes yeux, il y a une grande différence entre l’attirance et la contemplation.

Si certains croient que ce phénomène s’exprime différemment entre les deux sexes, il y a plutôt un parallèle à faire entre les femmes et les hommes sur ce qu’ils considèrent comme étant séduisants aux yeux de l’autre. J’ai essayé de me mettre dans la peau d’un homme pour mieux comprendre et comparer la perception qu'on a de soi. Si mon amoureux ne s’entraîne pas pendant une semaine, s’il arrête d’aller au gym jusqu’à ce que ses muscles disparaissent, il m’attirera tout autant, alors que lui croit que je le désirerai moins. À l’inverse, je me sentirai moche si je mange comme une cochonne pendant des jours, mais mon amoureux appréciera davantage mon corps. Je serai plus pudique si je reporte ma séance d’épilation un peu plus tard, alors que lui s’en fout complètement. Si j’ai un volcan qui me pousse sur le menton, j’essayerai de le cacher en inclinant subtilement la tête du côté qui camouflera le plus la vue du mont Saint Helens, mais il est loin d’être gêné de sa présence et sera tout aussi capable de m’embrasser ou même de me regarder dans les yeux sans souffrir subitement de strabisme convergent.

manger du fast foodSource image : Pexels

Bref, tout est question de goût et c’est ça l’objet de cet article. D’ailleurs, je suis mannequin. Pendant que certaines me rappellent qu’elles envient mon corps, les hommes, eux, me reprochent ma maigreur tout en me suggérant de manger plus. Comme quoi il existe un décalage entre la mise en scène de l’idéal véhiculé dans les médias et la réalité de la séduction. Si chacun pouvait fabriquer le moule idéal pour le partenaire de ses rêves, je suis prête à parier qu’il serait bien différent de celui présenté par les médias. Pour ma part, je sais que ce ne serait pas celui d’un cheval, aussi beau soit-il.

Source image de couverture : Unsplash

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