Dimanche soir, tel un Alfalfa chétif qui viendrait de se faire donner une raclée par un GSP au sommet de sa forme, je me suis rendue en clopinant avec une gorge enflée et peu coopérative au quartier général du Grumman 78 pour le party japonais. Cette soirée présentée dans le cadre du Festival Omnivore, mettait en vedette deux chefs dont les univers culinaires, quoique distincts, sont tout à fait compatibles. Ainsi, Marc-André Leclerc et Pierre Sang Boyer nous ont prouvé que des tacos japonais, c'est possible. Incroyablement et délicieusement possible.

1-Grumman78

C'était la première fois que je mettais les pieds au Grumman 78 et la jovialité du lieu a tôt fait de me faire oublier ma condition de maganée. À mon arrivée à 19 h, c'était plein, il ne restait que quelques places aux tables situées à même la cuisine. J'aurais bien aimé profiter des derniers rayons de soleil de la journée, mais voir la brigade de cuisiniers et le chef parisien Pierre Sang Boyer s'activer derrière le comptoir me comblait tout autant, voire encore plus.

Le menu était alléchant et contrairement à l'Omnivorious party la veille, j'ai pu goûter à tout ce qui me faisait envie. J'ai commencé la soirée avec le cocktail Grumman 75 à base de saké, de jus de pamplemousse, de Crémant du Jura et de zestes d'orange. Des bulles et des agrumes, comment ne pas passer une belle soirée après ça?

3-Cocktail 2-cuisine

Sur le plateau bien garni, on avait un peu de tout : tartare de thon rouge bien bien frais avec radis et wasabi, des sushis au maquereau, une brochette de sashimi de thon et baloney frit servie avec une sauce béarnaise, des gyozas (genre de dumplings) porc et crevettes, un épi de maïs avec beurre au miso et miel... Parmi tout ça, trois plats ont retenu mon attention.

D'abord, le Bu-ro-ko-ri et bonite, ce plat que je n'avais au départ pas choisi, mais qui m'a été fortement recommandé par une serveuse. Je lui en suis reconnaissante. Il s'agissait en fait de brocolis bouillis et ensuite poêlés avec anchois, ails et flocons de chili, qu'on recouvrait de flocons de bonite séchée. La bonite, c'est un poisson dans la famille du thon et du maquereau, notamment, qui, sous sa forme séchée, est utilisée principalement pour faire le dashi, bouillon servant de base aux soupes japonaises. Le mélange de ces trois ingrédients est surprenant et exaltant en bouche. Voilà comment donner du pep à un légume vert mal aimé!

Puis, du côté des desserts (je pense que vous commencez à comprendre que j'ai la dent sucrée...), j'ai adoré le panna cotta au thé vert et mûres. Simple, efficace, satisfaisant.

Et finalement, le plat qui a fait l'unanimité parmi les amies qui m'accompagnaient et moi, c'est le porc épicé, MaPo tofu St-Henri. Une bolognaise faite à partir de panne de porc, de tofu de Saint-Henri, de fèves fermentées, de piments chili et de pousses de bambou authentiques. En gros, c'est un plat qui réveille les papilles et qui a le pouvoir de réchauffer les coeurs d'ex-fiévreuse. Le mien, en tout cas. Du confort food à la széchuanaise. « On en a vendu pour 64 litres aujourd'hui », me dit fièrement Marc-André Leclerc croisé à ma sortie du restaurant. Visiblement, ce plat a été un succès. Tout comme ce party japonais, d'ailleurs.

4-Plateau

5-Amies

6-Panacotta

Depuis 13 h, le restaurant ne dérougissait pas. À vrai dire, depuis l'ouverture officielle en décembre dernier, le Grumman 78 sédentaire se porte très bien. Assis à une des rares tables encore libres à l'extérieur du restaurant, Marc-André Leclerc semble heureux. Humble, authentique et généreux sur la jasette, le chef fitte avec cet endroit où règne une convivialité tout estivale qui rappelle celle d'un pique-nique familial ou d'une épluchette de blé d'Inde. On a jasé pendant une bonne demi-heure de l'importance d'acheter des légumes de saison, de la réputation des chefs montréalais à l'étranger, de ses influences culinaires, entre autres, mais aussi et surtout de son expérience omnivorienne.

Il m'avoue d'emblée éprouver un amour total pour Pierre Sang Boyer. Ils ont vécu quelque chose comme un crush de chefs : « Quand Pierre Sang est arrivé, je lui ai montré 10 maisons en 4 jours. On est allés chez Joe Beef, Nora Gray, chez Chalet BBQ et Wilensky qui sont des institutions de mon enfance, on est allés chez Cuisine Szechuan, on est allés chez Nouveau Palais... Pour moi, ce sont des places qui me rendent heureux, qui me flattent l'hédoniste en dedans. C'est important si je reçois un chef que je lui montre mes places. Ça définit ma personnalité un peu. »

7-Bar

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L'expérience d'Omnivore aura aussi permis à Marc-André de faire un gros check sur sa wish-list de chef : acheter un thon Big Eye (pêché à la ligne au Canada par un fournisseur du Toqué) qui vaut plus cher qu'une voiture! Car, si au Grumman 78 on fait dans le taco, on ne fait pas dans le taco cheap et insipide. Marc-André Leclerc choisit avec soin tous les produits, protéines et légumes qui se retrouvent dans ses plats. Il s'approvisionne aux mêmes fournisseurs que les grandes maisons. Seulement, parce que le taco a la réputation d'être bon marché, il ne peut pas jouer énormément sur ses prix : « C'est drôle, ce soir, j'ai un sushi sur le menu à 10 $. Si je mettais un taco à ce prix-là, le monde capoterait. C'est fancy le sushi parce que ça vient du Japon, mais les Mexicains, eux, ils sont pauvres, il faudrait pas leur donner trop d'argent pour leurs plats...» Comme si ce qui venait du Mexique avait moins de valeur parce que le pays est davantage dans la misère. Vous en conviendrez comme lui et moi, ça ne fait absolument aucun sens...

Le chef qui a fait ses classes au Toqué, au Pied de cochon et au Joe Beef ne tient pas à ce qu'on s'emporte trop à son sujet :  « Je fais pas tout de manière incroyable, Je mentirai pas, j'achète de l'ail pré-pelé », affirme-t-il, sourire en coin. Voilà de quoi me dissuader d'y retourner...Non, voyons. J'y retournerais demain matin.

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Bonus : Comme j'avais bien aimé les brocolis, Marc-André me suggère d'essayer cette recette, que je vous suggère à mon tour : Vous faites bouillir un brocoli au complet trop longtemps, un bon 30 minutes, genre. Ensuite, vous l'essorez jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'eau du tout, ou le moins possible. Dans une poêle, vous réchauffez une bonne quantité d'huile et vous y faites revenir votre brocoli, des anchois, de l'ail et des flocons de chili. Puis, vous écrasez le brocoli à la fourchette et vous brassez, jusqu'à ce que ça vous donne un genre de pesto. À servir sur des pâtes, sur des légumes, sur de la viande... Alouette!

Bonus 2 : Marc-André Leclerc à propos de Martin Picard du Pied de cochon :  « J'ai découvert que manger peut être bon lorsque tu te fais mal avec Martin. Un contrôle du sel, sucre, gras, acide... C'est là que j'ai découvert que ça, c'est pas important comment tu le présentes tant que c'est vraiment, vraiment, honnêtement bon. »

Grumman 78
630 Rue de Courcelle, Montréal, QC H4C 3C7
514 290-5125
lun: 18:00 - 22:30
mer - dim: 18:00 - 22:30

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