Étudier le passé permet de comprendre le présent et de planifier un meilleur futur. Pour une fille émotive comme moi, lire des récits historiques, c’est un peu comme essayer de regarder un accident sur le bord de la route. Tu sais que tu ne devrais pas, que c’est souvent triste pour ceux qui sont impliqués dedans et tu ne sais même pas s’ils vont survivre, mais tu ne peux pas t’empêcher de regarder.

J’ai dû lire le livre « De l’enfer à l’enfer » dans le cadre d’un cours universitaire. Rapidement, je me suis retrouvée à rester éveillée toute la nuit, incapable de fermer le livre. Comme de raison, le roman m’a pris exactement quatre heures trente-six minutes et cinquante-deux secondes à lire.

« De l’enfer à l’enfer », c’est l’histoire de Benjamin Rutabana, personnage et auteur, qui a survécu au génocide du Rwanda. Du 6 avril au 5 juillet 1994, plus de 800 000 Rwandais ont péri au cours de cette guerre sanglante entre les nombreux Hutus et leurs ennemis les Tutsis. Après avoir passé cinq mois en prison pour le crime d’être né Tutsi, Benjamin décide de joindre le FPR (Front patriotique rwandais) et ainsi renverser le pouvoir du président Habyarimana.

Une semaine après avoir terminé le roman, je suis encore et toujours secouée par les écrits de l’auteur. Voici donc cinq signes que vous avez lus « De l’enfer à l’enfer ».

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1. Tu as passé au moins huit boites de mouchoirs en lisant le livre

En lisant « De l’enfer à l’enfer », j’ai pleuré en moyenne toutes les deux pages. Il faut dire que je suis le genre de fille qui pleure en voyant le monde pleurer à canal vie… Sauf que cette fois-là, c’était des pleurs de désolation que je ressentais dans le fond de mon ventre. Tu sais, le genre d’émotions que tu essaies de refouler, mais que tu ne peux juste pas arrêter…

Donc moi l’histoire du frère de Benjamin (Gombaniro) qui a assisté au massacre de sept de ses enfants, tués l’un après l’autre sous ses yeux, ça me fait bien de la peine. Ces gens-là sont nombreux à avoir perdu des êtres chers et des gens comme Benjamin, qui surmontent des épreuves et qui continuent d’aimer la vie, ça m’impressionne. Aujourd’hui, il a un fils qu’il aime d’un amour profond et je trouve ça tellement touchant de savoir que c’est possible d’aimer après avoir vécu de si grandes épreuves.

On sent la détresse des victimes mentionnées dans le récit. Le fait de savoir que ces gens-là ont réellement existé et de voir leur situation évoluer tout au long du récit, ça aide à réaliser l’importance d’un évènement aussi tragique que le génocide du Rwanda. En comprenant ce qui s’est passé, on peut maintenant mettre en place une structure pour ne pas reproduire ces atrocités.

2. Tu te surprends à méditer sur la peur de l’Homme à accepter la différence

Les coutumes et traditions qui nous sont transmises de génération en génération nous paraissent comme la « norme » et tout ce qui diverge de ce qu’on connait nous parait étrange. C’est d’ailleurs ce qu’on peut appeler le choc culturel. Par exemple, lors de mon séjour au Kenya, les habitants se questionnaient sur la motivation des Occidentaux à se faire « pousser des muscles ».

Les Allemands ont rejeté les juifs, considérant ces derniers comme inférieurs à eux. La société moderne a longtemps renié les homosexuels, puisque cette attirance sexuelle était contraire aux croyances traditionnelles. Aujourd’hui c’est au tour des États-Unis de refuser les immigrants, étrangers à leurs yeux. Dans le cas du génocide rwandais, les Hutus ont rejeté les Tutsis. L’Homme a peur de ce qu’il ne connait pas et l’individualisme de chacun a amené, dans le passé comme dans le présent, l’isolement d’une partie de la société.

3. Tu étais dans un état indescriptible de frustration et d’incompréhension

Moi, le fait que des policiers municipaux du Burundi menacent de renvoyer Benjamin Rutabana et son complice au Rwanda, ça me dépasse. Le rôle de la police, c’est de protéger la population, pas de se graisser la patte. Ça m’a profondément choqué lorsque M. Rutabana mentionne que le seul moyen pour eux de rester au Burundi, c’était de compenser monétairement les policiers.

Aussi, il est dit dans le livre qu’un Hutu a tué sa femme pour la seule raison qu’elle était Tutsi, mais aussi ses propres enfants, parce qu’ils avaient du sang de leur mère. Comment peux-tu renier ta progéniture? Quelle sorte d’humain est capable de tuer de sang-froid des êtres qu’il a vu grandir et qu'il avait la responsabilité de protéger? Encore une fois, ça m’a amené à réfléchir sur la question.

4.Tu réalises qu’au Canada, on aime se plaindre pour un rien

Plusieurs personnes se sentiraient petites dans leurs culottes à se plaindre de la pluie et du beau temps, spécialement lorsque Benjamin raconte l’entraînement par lequel tous les volontaires du FPR doivent passer : « Nous n’aurons plus droit à aucun repos. De 3 heures du matin à 1 heure le lendemain matin. Nous enchaînons les entraînements depuis la parade jusqu’au maniement des armes, en passant par l’apprentissage de la tactique et de la stratégie militaire. »

En plus de cela, Benjamin Rutabana et ses compatriotes ont traversé la Tanzanie du sud au nord pendant douze jours et douze nuits, équipés d’une simple tenue militaire, une paire de bottes et une casquette. On est loin de nos petits tracas quotidiens… Mais malgré tout ce qu’il a pu vivre, il a écrit une phrase qui me hante depuis : « Quand le poète dit la vie est méchante, l’écho répond chante ».

5. La similarité entre la situation des juifs de la 2.G.M. et la situation des Tutsis du Rwanda te fait encore plus peur avec ce qui se passe présentement avec Donald Trump

Tout comme les juifs qui devaient porter l’étoile de David pour être facilement identifiés en société, les Hutus et les Tutsi avaient des cartes d’identification. Tout comme l’Allemagne classait sa population selon leur statut social, les enfants rwandais devaient se lever à tour de rôle pour dévoiler leur identité : Hutue, Tutsie ou Twa. Dans le film « La liste de Schindler », la scène qui m’avait marquée consistait à une fillette juive qui se cachait dans les excréments pour ne pas être vue des autorités allemandes. Or, Benjamin Rutabana écrit : « Durant ces massacres de l’été 1973, mes frères et sœurs et moi-même avons été cachés par des voisins hutus. Je suis resté des heures enfermé dans toilettes, dissimulées sous des feuilles de bananier ». Est-ce qu’on va en arriver là avec les immigrants aux États-Unis?

6. Tu te dis que finalement, la mondialisation a peut-être du bon

À la fin du récit, Benjamin Rutabana insiste sur l’importance du rôle qu’ont joué les organismes internationaux (ex. : Amnistie Internationale) dans sa libération. Malgré la non-intervention de l’Organisation des Nations Unies, la mondialisation permet encore aujourd’hui d’éviter la violation des droits de l’Homme, peu importe sa nationalité.

Sur une dernière note, je pourrais résumer le livre « De l’enfer à l’enfer » en cinq mots : une montagne russe d’émotions. Le récit de Benjamin Rutabana, c’est une belle découverte que j’ai envie de partager avec vous.

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