Oui, je sais, beaucoup de monde semble avoir aimé ça.

Oui, je sais, certaines critiques sont dithyrambiques (je rêvais d’utiliser ce mot-là).

Oui, je sais, le public a chaudement applaudi la première représentation mondiale de l’opéra Another Brick in the Wall. Première qui s’est déroulée à la Place des Arts, le samedi 11 mars dernier, alors qu’il faisait un beau -35 degrés Celsius dehors.

Mais.

Il y a un mais. Plusieurs, en fait.

Qui font que mon amie et moi, ben… on n’a pas aimé ça.

TheWall_Album

Source: http://pinkfloydarchives.com/

Ben oui, toi. Je n’ai pas aimé l’adaptation lyrique de The Wall. Adaptation signée Julien Bilodeau (compositeur) et Dominic Champagne (metteur en scène). Pas aimé comme dans : je n’ai pas été émue. Comme si le mur psychologique d’aliénation érigé par le personnage principal avait pris réellement forme. Créant une distance entre la scène et moi qui m’a empêchée d’être touchée, bouleversée. Pourtant, à la base, The Wall a tout pour émouvoir.

The Wall. L’œuvre monumentale de Roger Waters, chanteur du groupe mythique Pink Floyd.

The Wall. L’album que mon père écoutait en boucle en rénovant le sous-sol.

The Wall. L’album que j’ai écouté avec mes amis boutonneux, à l’adolescence, sous l’effet d’une quelconque substance, dans le sous-sol que mon père avait fini par finir de rénover (ou presque).

The Wall. T’sais. Les marteaux qui marchent dans la vidéo…

marteaux

Source: Mediacache

C’est ça. The Wall. Un succès planétaire dépeignant le délire psychologique du chanteur Pink qui, au sommet de sa gloire, jette un regard sombre sur sa vie : une mère surprotectrice qui lui a transmis ses peurs; un père absent, car mort au combat; l’horreur et l’absurdité de la guerre; des profs répressifs dans un système éducatif aliénant; un mariage raté; le succès, l’argent, la solitude, les fans et le mépris envers ceux-ci…  Bref. Des paroles lucides et dépressives qui, dans l’œuvre originale, sont soutenues par une musique rock, puissante, poignante, planante. Qui permet de ressentir la détresse sans jamais y sombrer. Un équilibre parfait.

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Photo: Yves Renaud

Malheureusement, je n’ai pas retrouvé cet équilibre samedi soir, à l’opéra. Pour plusieurs raisons.

Une première partie trop longue, sombre et monocorde. Le compositeur s’est éloigné de l’œuvre originale, rendant les chansons méconnaissables (ce qui n’est pas mauvais en soi). Cependant, j’ai eu l’impression qu’on me servait toujours le même air et que rien ne décollait jamais, vraiment. L’impression, en fait, qu’on me montrait du doigt ce que je devais ressentir, sans toutefois réussir à le faire.

Ensuite, le jeu. Pink, incarné par Étienne Dupuis, bien que solide sur le plan vocal, manquait d’un je-ne-sais-quoi… Et pour ce qui est des chorégraphies, trop de mouvements au ralenti et/ou frôlant le ridicule. Exemple : quand tu fais semblant de courir sur scène, aie l’air de courir, pas d’avoir envie de pipi.

Aussi, le son. Il ne portait pas. La puissance des voix et de l’orchestre ne m’a pas atteinte. Et parfois, j’entendais un peu trop le gars de la console sonore parler derrière moi.

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Photo: Yves Renaud

Également, l’écran multimédia. Des projections souvent décevantes… ou carrément inutiles. Qui ont créé des WTF? au lieu de créer de la beauté. Comme ces biberons flottant dans l’univers alors que sur scène, on voit un Pink bébé entouré de ses parents. Euh. Les biberons, était-ce vraiment nécessaire?

Mais là où j’ai vraiment décroché, c’est lorsque Pink se remémore son mariage. Que rentre sur scène sa femme (Caroline Bleau). Et que sa femme et lui se couchent dans un lit. Elle sur lui, en sous-vêtements. Mouvements de hanches explicites. On comprend le propos en deux secondes, mais la scène dure plusieurs minutes. Malaise. Et voilà-tu pas qu’au même moment, sur écran géant, des ébats amoureux entre homme et femme, entre femme et femme, entre… Non mais. Entre vous et moi, pourquoi appuyer le propos à ce point? Sans oublier la présence, durant cette (ob)scène, d’un Pink enfant, c’est-à-dire un real kid de 9-10 ans. Euh? C’est-tu moi ou il y a un manque de jugement, ici?

Mais le bout de la marde de la déception : le mur qui s’effondre à la fin. En multimédia. Moment qui aurait pu être spectaculaire, mais qui a été gâché par l’utilisation d’une image de qualité douteuse. Digne d’un jeu vidéo du début des années 1990. Non mais. Vraiment? Comment pouvait-on autant se tromper pour la chute du mur (et de l’opéra), personnage fondamental de l’œuvre? Une question de budget? De temps?

Tout de même. Je serais de mauvaise foi si je ne disais pas que les voix étaient superbes. Et que quelques scènes m’ont plue. Pas émue. Mais plue. Surtout dans la deuxième partie, qui est restée plus près de l’œuvre originale.

Donc samedi soir, déception à l’opéra. Avec Roger Waters assis non loin de moi. Le maire Coderre. Et la ministre Joly. Car la crème politique et artistique était au rendez-vous pour ce spectacle que l’Opéra de Montréal souhaite représenter partout à travers le monde. Visant un succès planétaire. Et bien. J’espère que leur rêve de grandeur ne frappera pas un mur…

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Photo: Yves Renaud

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