Peut-être vivras-tu cette situation un jour, peut-être pas.

Je ne te le souhaite pas. Je ne te souhaite pas la blessure physique ou la détresse psychologique qui aura causé cet arrêt de travail, bien au contraire. C’est un aspect difficile à accepter, peu importe ce qu’il est.

Cependant, je ressens le besoin de partager cette étape de ma vie, car j’ai réalisé à quel point des préjugés sont entretenus par rapport à cette situation et qu’il y a un processus, des étapes à travers lesquelles il faut passer pour s’en sortir pas pire indemne. J’ai pour mon dire qu’il n’y a rien qui arrive pour rien. Alors que j’écris ces lignes, fin juin, je réalise que je «fêterai» bientôt mes trois mois d’arrêt. Et en trois mois, il s’en passe des choses, tant par rapport à ton corps qu’à ta tête.

Je commence tout d’abord en abordant les préjugés, car j’en avais moi-même. Non, on ne passe pas notre vie à pourrir sur notre divan et à être payé par la société. Écoute, je ne suis pas entrain de te dire que personne n’a abusé du système… Il y a malheureusement de fourbes personnages, mais c’est un faible pourcentage! En ce moment, je te parle du monde vrai, honnête. J’ai quasiment l’air de me lancer une fleur, mais ce n’est pas mon but! Bref, je disais donc qu’on ne passe pas notre journée à écouter Netflix. Durant environ les deux premières semaines, ça fait mal, que ce soit le corps ou l’esprit. Endurer de la douleur, c’est exténuant. Sans blague. Et à travers cela, il y des rendez-vous chez le docteur, en physiothérapie et en ergothérapie, des rendez-vous à l’hôpital, quatorze millions de coup de téléphone à passer. Tu te couches le soir, aussi brûlé qu’après une journée «normale» de travail.

arrêt de travail Je ne te cacherai pas que dormir plus tard que 6h30 le matin, ça peut faire du bien… mais là encore, ça dépend toujours de la qualité de ton sommeil selon ta blessure, qu’elle soit, encore une fois, physique ou psychologique. Faut pas oublier qu’il n’y en a pas une pire que l’autre; les deux ont leur lot de souffrances. Donc, le préjugé du «pognage de beigne», on s’en passe, svp!

Un autre préjugé… l’argent. Je te surprends peut-être?! Je t’explique. Quand on est en arrêt de travail, on est payé. Payé pour se rétablir, pour être en réadaptation. Quand tu es complètement arrêté parce qu’il t’est impossible de travailler, tu reçois 90% de ton salaire net et ce montant est non-imposable. En effet, c’est un peu plus payant que ta paye habituelle… mais ta vie en générale est limitée par ton état. Qu’est-ce qui est vraiment mieux?! Alors, des phrases du type «T’es payé à rien faire!», on s’en passe, svp!

Troisième et dernier préjugé: l’accidenté est cloîtré chez lui et ne doit rien faire d’autre que sa réadaptation. Wrong, wrong, wrong mes chers. Au contraire, il faut essayer d’avoir une vie la plus normale possible, qui se rapproche de ce que l’on faisait avant l’accident. Bon, si tu t’es cassé une jambe et que tu es un amateur d’escalade, je n’ai pas besoin de te faire un dessin… Mais faire des activités sociales, sortir, voir tes amis et ta famille sont des choses à ne pas négliger. Tu peux même prendre le temps de te découvrir de nouvelles habiletés ou explorer différents passe-temps. Ainsi, des messages du type «Ouin, pour quelqu'un su’a CSST, t’es capable de faire bin des affaires!», on s’en passe, svp!

Bon… après cette montée de lait digne d’une dramaturge en syndrome prémenstruel, voici maintenant quelques étapes à travers lesquelles il faut passer un jour ou l’autre pendant la guérison. Je vous avertis, il n’y a aucune information scientifique ici; je me base sur mon vécu personnel, en tant qu’accidentée et en tant que membre proche d’une personne accidentée.

Au début, comme je l’ai déjà dit, tu dors, tu dors, tu dors. C’est la façon, en générale, par laquelle tu ressens moins de douleur. Ton corps récupère, guérit, à son rythme. C’est vrai, tu te sens un peu en vacances! Mais éventuellement, tu peux peut-être te sentir isolé, inutile, amorphe. C’est pour cela qu’il faut continuer à voir notre monde un peu, à faire des activités. Pour ma part, je me sentais coupable d’abandonner mon équipe et je vivais un grand sentiment d’échec face à mon travail, et c’est normal. Il faut passer à travers cela. Je le dis maintenant et je ne suis plus gênée de le dire; peut-être que ça peut aider quelqu’un, on sait jamais!

Tu vas fort probablement vivre des hauts et des bas. La guérison, c’est comme un jeu de Monopoly: tu avances six cases, tu essaies d’acheter la rue de la paix (tsé, la plus chère et la plus convoitée), tu recules deux cases pour tomber à la gare du découragement, pour finalement avancer d’une seule case et te retrouver en prison. 

Sans joke! Et parfois, tu stagnes, tu atteins un plateau… et c’est long. Fucking long. C’est là que je suis rendue. Ma blessure a évolué, elle a guéri un brin, mais pas assez pour travailler. Et c’est comme cela depuis plus de trois semaines. Les objectifs que je m’étais fixés, c’est-à-dire mes vacances avec ma meilleure amie en road trip, retourner au travail avant juillet, continuer le airyoga, sont inatteignables pour le moment. Ça me fait mal au coeur, littéralement. Mais il n’y a pas grand chose à faire.

Enfin, vivre avec toi-même pendant tout ce temps, sans travailler, ça te donne le temps de penser. Penser à toi, à ta vie, bref, à tout ce qui te donne envie de philosopher. Ça permet aux petites bibittes de ressortir, parce que tu ne peux plus les écraser grâce à la routine «métro-boulot-dodo». Cet état peut vraiment être effrayant au début, mais écoute-moi: laisse-le venir, laisse-le aller. Je te jure que tu iras vraiment mieux après! Quand on n’a pas le temps de prendre soin de soi quotidiennement, il faut saisir les occasions qui passent pour le faire!

Et dernier conseil… je sais à quel point on peut être fier de soi quand on franchit une étape, quand on fait une nouvelle activité, quand on évolue, mais évite de tout mettre cela sur les réseaux sociaux. Les préjugés énoncés plus hauts font encore partie de notre société et les réseaux sociaux étant ce qu’ils sont, tes petites réussites pourraient être écrapouties par une personne jalouse ou qui te veut du trouble… Je suis sérieuse. Fait vécu (dis-je avec le petit signe des scouts).

Sur ce, je te souhaite la meilleure des guérisons. Et si tu n’es pas en arrêt de travail, j’espère que cet article t’aura ouvert un peu les yeux sur cette réalité!

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